Divorcée et mère de trois grands enfants, Béatrice Anthonioz, une catholique savoyarde de 51 ans, est aujourd’hui à nouveau en couple. Elle a récemment publié sur Facebook un magnifique témoignage sur son état de vie et son chemin intérieur qui l’a amené à communier non plus au Corps mais par le coeur.Que de souffrance, de solitude, de désarroi et de manque d’informations parmi mes sœurs et frères en Christ affectés par une séparation ou un divorce ! Lors d’une rencontre récemment organisée par l’évêque du diocèse d’Annecy, j’ai témoigné de mon cheminement personnel en petit groupe de parole et plusieurs séparés/divorcés m’ont dit y avoir trouvé du réconfort et m’ont encouragé à témoigner pour aider d’autres à se relever.
Je suis divorcée. Juste après mon divorce, bien que pratiquante, je me suis rendue compte que je ne savais plus comment je devais me positionner par rapport à ma foi et à l’Église. Alors, tout simplement, je suis allée voir le curé de ma paroisse pour lui demander si j’avais toujours le droit d’enseigner le catéchisme aux enfants. J’ai eu la chance d’avoir sur ma route de vrais bons pasteurs qui ont tous su me montrer que malgré cette épreuve j’avais ma place dans l’Église. À l’époque, mon curé m’a répondu : « Non seulement tu en as toujours le droit mais je te dis que tu en as le devoir, alors continues ! ». Réponse facile pour lui puisque je vivais seule avec mes trois enfants. Tant que je restais fidèle à mon sacrement de mariage, je n’étais pas impactée par les privations de sacrements.
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Quelques années plus tard, j’ai eu la chance de refaire ma vie. Nouveau chamboulement intérieur pour moi. Je savais qu’en faisant le choix de vivre ce nouvel amour, je venais de perdre ce qui était si cher à mes yeux : le partage du repas eucharistique. Le curé de ma paroisse venait de prendre sa retraite et je ne me sentais pas de parler à ce tout jeune prêtre qui venait de le remplacer. Alors pour arrêter de fondre en larmes en restant assise à ma place pendant l’eucharistie, mon réflexe a été de quitter l’église. Ce que j’ai fait pendant plusieurs mois.
“Puisque tu ne peux plus communier au Corps, alors tu vas communier au Cœur”
Heureusement, une de mes amies m’a proposé de l’accompagner à une retraite à Paray-le-Monial. Là-bas j’ai eu la chance de retrouver un prêtre qui m’avait accompagné durant les heures sombres de la fin de vie de mon premier couple. Je lui ai confié ma souffrance et j’étais loin d’imaginer sa réaction. Il ne m’a pas jugé, au contraire, il a été plein de compassion et il s’est même moqué de moi : « Béatrice, c’est très touchant ce que tu me dis, mais ne vois-tu pas à quel point tu pleures en vain ? ». Je ne comprenais pas ce qu’il essayait de me dire. Il a repris : « Combien d’âmes sur cette terre sont capables de pleurer parce qu’on leur refuse la communion ? Si peu en vérité ! Jésus t’aime et il est profondément touché de voir à quel point tu souffres par amour pour lui. L’Église a besoin d’âmes comme la tienne, qui nous permettent de prendre conscience du mystère de l’Eucharistie, alors j’espère que tu vas retourner à la messe pour prier en communion avec chacun de nous et puisque tu ne peux plus communier au Corps, alors tu vas communier au Cœur ».
Je ne comprenais pas ce qu’il attendait de moi puis il me dit : « C’est simple, au moment de l’Eucharistie, tu vas confier ta souffrance à Jésus et lui demander une grâce pour quelqu’un qui souffre physiquement ou intérieurement. Avec cette communion au Cœur de Jésus, l’amour que tu as pour Lui va permettre d’apaiser d’autres âmes en souffrance. » Depuis ce jour, je suis retournée à l’église avec la volonté d’accomplir cette tâche car, non seulement il m’avait confirmé que j’avais toute ma place, mais en plus j’étais utile au corps mystique du Christ.
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En réalité, il m’avait demandé de poser un autre acte que mon égo s’est longtemps refusé à faire : je devais me lever vers le prêtre, les bras en croix, pour recevoir sa bénédiction. Me considérant déjà suffisamment humiliée comme cela, je faisais ce que j’appelais « ma révolution silencieuse ». Je restais debout durant tout le temps de l’Eucharistie pour que tous voient que l’Église me privait de la communion alors que j’étais là chaque dimanche par amour pour Jésus. Quelle arrogance ! J’ai fini par aller rencontrer ce jeune prêtre, le père Dieudonné Nsengimana curé de ma paroisse, et je lui ai raconté mon parcours. Il ne connaissait pas cette manière de communier mais il m’a toujours accompagné et respecté dans mes choix.
Il y a deux ans, j’ai été embauchée comme adjointe à la pastorale d’un ensemble scolaire. À l’embauche, j’ai bien précisé que je ne pouvais pas communier en raison de ma situation. On m’a répondu que cela n’avait pas d’importance car on ne célébrait jamais l’Eucharistie lors des messes proposées aux jeunes car très peu avaient fait leur communion. Pourtant, plusieurs collégiens demandaient justement à faire leur première communion. Les premiers mois de ma formation, je n’ai pas eu à parler de cette question avec les jeunes, jusqu’au moment où je me suis retrouvée seule face à eux. Un vent de panique s’est alors emparé de moi. Je ne savais pas comment leur parler de ce sacrement et comment être crédible alors que j’en avais « perdu les droits » ?
Une force inimaginable par la bénédiction
Lors d’une soirée de la fraternité Eucharistein, à Saint-Jeoire, j’ai demandé conseil au père Nicolas Buttet. Une fois de plus, il a été d’une merveilleuse intelligence et d’un grand réconfort. Il m’a rappelé que la communion est d’abord un canal pour que Jésus puisse déverser ses grâces. Mais heureusement l’Eucharistie n’est pas le seul, et communier au Cœur du Christ en est un autre. Pour lui, je devais naturellement expliquer aux jeunes que bien que je ne reçoive pas la communion au Corps, le Christ déversait son amour et ses grâces sur moi et que si j’étais à l’aise et heureuse avec cela, alors les jeunes seraient sereins par rapport à ma situation. Mais pour cela, il me demandait d’aller chercher la bénédiction du prêtre devant tout le monde afin que la joie se lise sur mon visage.
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Facile à dire mais certainement pas à faire. Heureusement j’ai pu en parler au père Nsengimana avant de me lancer. Il savait l’épreuve supplémentaire que cela représentait pour moi. J’ai ressenti dans sa toute première bénédiction une force inimaginable qui m’a permis de revenir chaque dimanche et, progressivement, de pouvoir vraiment être dans la joie de communier de la sorte. Depuis, j’ai compris que Jésus attend de nous que nous collaborions, laïcs divorcés et prêtres, pour que la grâce abonde. Il faut que les laïcs puissent aller vers le prêtre en toute confiance et ressentir son soutien et sa bienveillance. Il faut également que le prêtre donne la bénédiction, non pas en voyant la personne divorcée comme « un pauvre pécheur » mais comme une bénédiction pour permettre à la grâce du Christ de se répandre.
Jésus transforme notre faiblesse en grâce pour toute l’Église
Si chaque prêtre pouvait comprendre que chaque divorcé-e qui s’avance vers l’autel, les bras en croix, doit poser un acte d’amour suprême pour Jésus afin d’oser se lever devant tous les paroissiens, alors il saurait, qu’avec sa bénédiction, Jésus transforme notre faiblesse en grâce pour toute l’Église. Il devient urgent, nécessaire même, que chaque prêtre comprenne et explique à ses paroissiens, et aux divorcés qu’il rencontre, cette manière de communier au Cœur du Christ. Pour que tous sachent qu’un chrétien divorcé est acteur de la grâce au même titre que les autres paroissiens.
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C’est pourquoi j’invite chacun et chacune qui a un ou une amie en souffrance, à cause d’une séparation ou d’un divorce, à lui transmettre ce témoignage ainsi qu’à tous les prêtres afin qu’ils comprennent le sens véritable de cet acte et qu’ensemble nous permettions à notre Église d’avancer sur ce douloureux sujet.
Béatrice ANTHONIOZ, paroissienne de Saint Jean-Baptiste en Chablais (74) remercie les pères Bernard DURET, Dieudonné NSENGIMANA, Michel BAUD, Celse NIYITEGEKA, Nicolas BUTTET et Pierre LAFARGUE pour leur accompagnement.