La force des mystiques vient de leur capacité à traverser la Nuit obscure pour rencontrer Jésus dans un cœur à cœur mystérieux. Elles invitent à dépasser les représentations traditionnelles de Dieu, les facilités de l’image pour véritablement pénétrer le mystère de l’Invisible.
1- La vocation de l’Amour
“La Charité me donna la clef de ma vocation… Je compris que si l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l’Église avait un Cœur, et que ce Cœur était brûlant d’amour. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église, que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang… Je compris que l’Amour renfermait toutes les Vocations, que l’Amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux… en un mot qu’il est Éternel ! Alors dans l’excès de ma joie délirante je me suis écriée : Ô Jésus mon Amour… ma vocation enfin je l’ai trouvée, ma vocation c’est l’Amour !”
Sainte Thérèse de Lisieux écrivant à Marie du Sacré-Cœur – Manuscrit B – 3v.
2- Misère et Grâce
“Cette religion des Cathares sans Crèche, ni Croix, sans prière ni Grâce… “Ces parfaits” qui rejettent toute vie imparfaite… Rien ne me paraît plus beau, entre Dieu et l’homme, que ces relations magnifiques du Péché et de la Grâce… Le Péché, cette grande blessure, ce grand cri – l’Église, avec David, ne chante guère autre chose – et la Grâce, le grand amour qui entre par cette plaie. Je ne voudrais pas, oh! Non! Être sans péché. Je ne voudrais pas, à Dieu fermer cette porte grande ouverte. Misère… miséricorde. Toute la religion du Christ tient en ces deux mots-là.”
Marie Noël dans ses Notes intimes, 1959.
3- Joie pure et bien réel
“En toutes choses, seul ce qui nous vient du dehors, gratuitement, par surprise, comme un don du sort, sans que l’ayons cherché, est joie pure. Parallèlement le bien réel ne peut venir que du dehors, jamais de notre effort.”
Simone Weil, Cahier IX, OC VI.
4- La demeure de Dieu parmi les hommes
“Dieu est bien en nous, toute la Trinité sainte. Si nous apprenons seulement à construire à l’intérieur de nous, une cellule bien scellée et à nous y retirer aussi souvent que possible, rien ne peut nous manquer, en quelque endroit du monde que nous soyons.”
Edith Stein écrivant à Agnella Stadtmüller en 1938.
5- Prière et contemplation
“La prière est l’œuvre de l’homme, elle est enseignable avec des mots humains. La contemplation est la réponse de Dieu à l’homme, elle n’est donc pas enseignable: l’homme se met à la disposition de Dieu. Dieu répond ou ne répond pas : tout est grâce… La prière a toujours un aspect horizontal : elle inclut implicitement le monde entier. La contemplation est verticale : elle est tout entière tournée vers Dieu.”
Adrienne von Speyr à propos de l’Évangile de saint Jean (Jn 9,4)
6- La Ccommunion des saints
“Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition.”
Etty Hillesum, journal 1941-1943.
7- La souffrance des pauvres
“Priez ainsi quand vous trouvez que c’est dur : “Je souhaite vivre dans ce monde qui est si loin de Dieu, qui s’est tant détourné de la lumière de Jésus, pour les aider, pour prendre sur moi un peu de leur souffrance.” Oui mes chères enfants, prenons part aux souffrances du pauvre qui est nôtre : en étant un avec lui, nous pouvons le rédimer, c’est-à-dire porter Dieu dans sa vie et le porter à Dieu.”
Sainte Mère Térésa s’adressant aux Missionnaires de la Charité.
8- Que dire dans la prière ?
“Quelques jours après ma cure de sommeil, je suis entrée dans une église, j’ai éprouvé en moi-même que je pouvais prier et me suis demandé que dire : repentir de mes fautes ? action de grâces d’adoration ? Il m’a paru que tout cela se résumait en disant simplement : “Mon Dieu, je suis à votre merci. Si j’ai mal fait et que vous voulez me châtier, faites-le ; si vous voulez me pardonner, faites-le ; si vous voulez me combler, faites-le ; et si vous voulez que je vous adore, créez la louange sur mes lèvres”.”
Marie de la Trinité écrivant au père Guérard des Lauriers.
9- La spiritualité de la musique
L’expérience mystique de Simone Weil se produit dans la musique, définie comme le passage du chaos à l’ordre. “La plus belle musique est celle qui donne le maximum d’intensité à un instant de silence”. À l’aide d’un Bach, d’un Mozart, d’un Debussy ou d’un Monteverdi, la contemplation musicale ouvre à une temporalité de la grâce, à l’expérience du silence, cet instant de suspens qui renvoie par contraste à la plénitude de l’être.
10- La radicale Agapè
L’Agapè, souvent comparée à la charité chrétienne, est l’amour total et désintéressé de Dieu et du prochain. Chacune à leur manière, ces femmes ont vécu dans une Agapè radicale, avec une préoccupation constante de l’autre, point crucial de l’Imitatio Dei : que ce soit Thérèse de Lisieux avec ses sœurs religieuses, Simone Weil qui partage les conditions des ouvriers, Etty Hillesum et Edith Stein qui travaillent sans relâche pour aider consoler les victimes du nazisme, Mère Teresa dans les bidonvilles de Calcutta ou même Marie Noël posant chaque jour un regard tendre de compassion sur ses semblables.
Au péril de la nuit : femmes mystiques du XXe siècle, François Marxer, les Éditions du Cerf, mai 2017, 29 euros.
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