Une étude américaine tente de comprendre pourquoi peu de gens lisent la Bible, malgré leurs velléités et bonnes résolutions.
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D’après le Guinness Book des records, la Bible est le livre “le plus vendu et le plus répandu à travers le monde”, avec plus de 5 milliards d’exemplaires parus à ce jour.
Dans un monde de plus en plus sécularisé, la Bible reste omniprésente, et pas que chez les chrétiens les plus pratiquants. Aux États-Unis, les hôtels continuent de mettre les saintes Écritures à la disposition de leur client dans les tiroirs de toutes les tables de chevet.
Pourtant, d’après une étude menée par le cabinet LifeWay Research aux États-Unis, plus de la moitié des Américains ne l’ont jamais lue, ou très peu.
“Moins d’un quart de ceux qui ont déjà lu la Bible le font de manière systématique et quotidienne. Et un tiers des Américains n’ont pas le réflexe de l’ouvrir”, explique la société qui a mené l’étude.
“La plupart des Américains ne connaissent pas vraiment le contenu général de la Bible, parce qu’ils ne l’ouvrent presque jamais”, explique encore Scott McConnell, le directeur de LifeWay. “Même parmi les chrétiens ayant une pratique religieuse régulière, moins de la moitié lisent la Bible tous les jours.”
LifeWay a interrogé 1000 Américains sur leur rapport à la Bible : il apparaît que 10 % ne l’ont jamais lue. 13 % en ont lu quelques phrases, 30 % ont lu différents passages ou récits bibliques. Un Américain sur cinq l’a lue intégralement au moins une fois. Ce chiffre inclut les 11% qui l’ont lue une fois d’un bout à l’autre, ainsi que les 9% qui l’ont fait à plusieurs reprises. 12% disent l’avoir lue quasiment en entier, et 15 % en ont lu au moins la moitié.
Mais là n’est pas l’essentiel, d’après Stephen J. Binz, auteur d’une série de livres sur l’étude de la Bible (The Threshold Bible Study).
L’importance d’une lecture qualitative plutôt que quantitative
“La compréhension des Écritures comme Parole de Dieu qui transforme ne dépend pas de la quantité qu’on a lue. Elle dépend plutôt de la qualité de cette lecture, qui repose sur des méthodes que nous donne l’Église. Avoir lu la Bible une ou plusieurs fois, peu importe. Ce n’est pas cela qui fait la qualité de notre rencontre avec la Parole de Dieu.”
Stephen Blitz évoque plusieurs manières d’approfondir notre relation à la Parole de Dieu, qui nécessitent de prendre le temps. Il y a par exemple la lectio divina, une lecture méditative et en prière d’un court extrait de la Bible, selon la méthode ignacienne qui invite le lecteur à prendre part virtuellement à une scène des Écritures.
“Toute lecture de la Bible est incomplète si elle ne nous mène pas à la prière, de telle sorte que le temps que nous passons à lire les Écritures devienne un dialogue au cours duquel nous écoutons Dieu dans le texte puis Lui répondons dans la prière et dans une vie transformée.”
Si l’étude montre que les protestants lisent plus la Bible que les catholiques, John Martignoni, fondateur de la Bible Christian Society, est d’avis que les catholiques connaissent les Écritures mieux qu’ils ne le pensent, surtout s’ils vont à la messe régulièrement. Non seulement ils en entendent trois voire quatre passages dans la liturgie, mais les prières qui jalonnent la messe sont elles aussi pour la plupart tirées de la Bible.
Stephen Blitz fut très surpris par la conclusion de l’enquête selon laquelle “le seul moment où la plupart des Américains entendent des textes de la Bible survient quand quelqu’un d’autre la lit”.
“Pendant longtemps dans l’histoire de l’Église, la Bible fut entendue avec les oreilles et non lue avec les yeux. Les auteurs de la Bible écrivaient pour des communautés qui lisaient alors les Écritures pendant leurs rassemblements liturgiques ayant lieu le jour du Seigneur. Avant le développement de l’imprimerie au XVIe siècle, la Bible était rarement lue par des chrétiens lambda, car les textes manuscrits étaient alors chers et rares. Cette réalité historique nous donne à voir un aspect qui n’est pas réellement pris en compte par l’étude, à savoir que l’on peut connaître la Bible par de multiples moyens, outre la lecture personnelle. La liturgie, la prière, le catéchisme, l’art, la musique sont autant de façons d’accéder au texte biblique, si bien que je suis persuadé que les catholiques connaissent la Bible bien mieux qu’ils ne le pensent.”
Une société de plus en plus détachée de la culture religieuse
Pour William D. Dinges, professeur d’études religieuses à l’université catholique d’Amérique, les résultats de l’étude ne sont pas surprenants et reflètent une tendance qui ne date pas d’hier. Dans les années 30, par exemple, les sociologues Robert et Helen Lynd s’étaient intéressés à l’évolution des Américains moyens, notamment en matière de pratiques religieuses.
“Il était déjà évident, à l’époque, que les Américains adoptaient, pour la plupart, un vocabulaire de moins en moins marqué par la religion et que la Bible perdait en influence en terme de valeurs”, explique le professeur Dinges. Il poursuit : “Des études plus récentes montrent que les jeunes sont de plus en plus détachés de l’imaginaire biblique. En tant que professeur, je le ressens véritablement. De plus en plus de jeunes sont “analphabètes” en la matière et ne connaissent plus des récits, des images ou encore des symboles tirés de la Bible qui parlaient encore à la génération de leurs parents.”
Les professeurs de littérature font le même constat et se retrouvent à devoir expliquer toutes les allusions aux textes sacrés, que ce soit dans le Beowulf ou dans du Bob Dylan.
“Il ne s’agit pas uniquement de dire qu’ils ne comprennent pas les images ou les symboles, ou qu’ils ne reconnaissent pas certains noms. C’est qu’ils ne saisissent pas du tout à quel point la Bible a influencé notre histoire, le fait religieux dans notre pays, la politique ou notre façon de nous définir en tant que nation. Ils n’ont pas cette compréhension des Écritures comme élément éminemment culturel et pas uniquement théologique.”
Au passage, LifeWay a trouvé un certain nombre de raisons pour lesquelles certains Américains ne lisent pas la Bible : pour environ un quart d’entre eux (27%), ce n’est pas une priorité. 15% n’ont pas le temps. 13% disent en avoir déjà lu assez, d’autres ne lisent pas de manière générale (9%). 9 autres pourcents estiment que la Bible ne leur parle pas, 6% n’en ont pas chez eux. 10% sont en désaccord avec le contenu de la Bible.
Voici encore d’autres résultats de l’enquête :
- 22% lisent la Bible tous les jours, de manière systématique,
- 35% ne l’ouvrent jamais,
- 30% consultent la Bible quand ils en ont besoin,
- 19% relisent régulièrement leurs passages préférés,
- 17% ouvrent leur Bible au hasard et lisent le passage sur lequel ils tombent,
- 27% lisent des extraits conseillés par d’autres,
- 16% disent la consulter pour venir en aide aux autres,
- Les protestants (36%) ont plus tendance à la lire quotidiennement que les catholiques (17%),
- Plus les Américains vont à l’église, plus ils ont tendance à lire la Bible tous les jours,
- Les femmes lisent plus la Bible que les hommes,
- 35% considèrent que la Bible change la vie,
- 36% considèrent que c’est la vérité,
- 52% estiment que la Bible constitue une source de valeurs morales,
- 14% pensent que la Bible est dépassée.