Edouard de Lamaze, président de l’Observatoire du patrimoine religieux, explique la mission de recension du patrimoine religieux en France mené par son association. Destructions, reconversions, les églises souffrent. Mais il est possible d’agir.
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Aleteia : Qu’est ce que l’Observatoire du patrimoine religieux ?
Édouard de Lamaze : C’est une association d’utilité publique qui a pour but principal de recenser le patrimoine religieux, quelles que soient les religions, au-delà de l’aspect cultuel mais surtout au regard de l’aspect culturel. Nous nous intéressons à tout le patrimoine religieux en France — dont on ne connaît pas l’étendue — principalement catholique, mais également protestant, juif et musulman. Ce patrimoine doit être classé afin d’être connu, éventuellement préservé. L’association a pour but de le recenser afin d’alerter les responsables institutionnels.
En quoi consiste l’inventaire que vous menez ?
Il existe 120 000 édifices religieux en France et nous en avons déjà recensé près des deux tiers. Cet inventaire couvre tout le patrimoine : qu’il appartienne aux communes, à l’État, qu’il soit protégé ou non, qu’il se trouve dans les milieux fermés (comme dans les hôpitaux, les établissements scolaires), etc. Depuis la loi Malraux, l’administration a recensé une partie de ces bâtiments mais pas de manière exhaustive. L’inventaire est réalisé par des bénévoles et par des salariés thésards (nous travaillons avec une dizaine de jeunes profils) qui viennent travailler à ce recensement interactif. Nous nous appuyons aussi sur des correspondants qui nous envoient des fiches nourries d’informations sur les édifices.
Le 23 février dernier, vous publiez sur le site de l’Observatoire : « Un début d’année 2017 inquiétant pour le patrimoine religieux ». Quelles sont vos inquiétudes ?
Chaque année, on décompte à peu près une quarantaine de cas nouveaux d’édifices en danger en France, et ces chiffres ne cessent d’augmenter. Les édifices qui sont démolis chaque année constituent une perte pour notre patrimoine, notamment parce que ce patrimoine est un témoignage des racines chrétiennes de la France, un patrimoine de qualité qu’il est dommage de voir disparaître quand bien même il ne serait plus « en vogue ». Aujourd’hui, on considère qu’il y a eu trop de constructions au XIXe siècle. Au lieu de démolir ces lieux, il faut trouver des solutions, parfois penser à la reconversion.
Les démolitions se succèdent, certains édifices sont vendus : quelles sont les actions possibles ?
Agir sur le terrain. L’inventaire que nous réalisons avec les DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) est une façon d’agir. Le but est que cet inventaire soit utilisable par l’administration comme un fichier d’intérêt général et qu’il évite que des ventes d’édifices soient conclues sans savoir même quel est l’objet du bâtiment. Si les bâtiments sont recensés et bien décrits, on évitera plus de destructions et de ventes. Si on déplore tant de démolitions, c’est parce que ces bâtiments n’ont pas été entretenus avant. Les bâtiments se dégradent, le coût de la restauration s’élève d’année en année…
Un message à adresser aux lecteurs d’Aleteia ?
Tout le monde à juste titre s’émeut de voir son église démolie, vendue ou abandonnée. Au-delà de l’émotion, il faut se dire que ces cas vont se multiplier si on ne connaît pas le patrimoine et si on ne le valorise pas. Il y a un véritable problème de connaissance, d’absence de rapport humain et intellectuel entre les propriétaires des églises et le public. Je songe à une commune, dont je tairai le nom, qui a voté la destruction de son église en raison de l’impossibilité de réaliser les travaux de remise en état (estimés à 500 000 euros). Le même jour, cette commune votait la création d’un rond-point pour le même prix. Où est la priorité ? Conserver et restaurer nos églises deviendra une priorité lorsqu’on aura conscience de notre patrimoine. Or, souvent les gens ne le voient pas car il fait tellement partie de leur paysage… C’est le rôle de l’Observatoire de montrer l’intérêt de ce patrimoine. Il faut nous aider à le recenser en prenant contact sur notre site : faites nous part des églises et sites religieux qui vous entourent.
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