Voici quarante ans, le 3 avril 1977, Monseigneur Pierre-Marie Théas était rappelé à Dieu. Évêque de Montauban pendant la Seconde Guerre mondiale, il adopta un comportement exemplaire. Il est notamment l’auteur d’une lettre dénonçant les persécutions contre les Juifs qui fut lue dans toutes les paroisses de son diocèse.
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Parmi les nombreux prêtres, religieux et religieuses répertoriés comme “Justes parmi les nations” au mémorial de Yad Vashem, Mgr Pierre-Marie Théas occupe une place particulière. Non seulement en raison de son rang ecclésiastique, mais aussi du fait du caractère extrêmement vigoureux de son engagement en faveur des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Bravant tous les risques, tant dans son discours que dans son action, il s’est comporté comme un véritable héros. Il est mort voici quarante ans.
Pierre-Marie Théas est né en 1894 à Barzun, dans les Pyrénées-Atlantiques, à dix-sept kilomètres au nord de Lourdes où la Sainte Vierge était apparue à Bernadette Soubirous trente-six ans auparavant. La Première Guerre mondiale éclate alors qu’il est encore élève au grand séminaire. Incorporé dans l’infanterie dès 1914, il sert jusqu’à la fin du conflit dont il sort titulaire d’une croix de guerre et de deux citations. Il est ordonné prêtre en 1920. Vingt ans plus tard, le 26 juillet 1940, il est nommé évêque de Montauban dans un contexte tragique : la France s’est effondrée face au Blitzkrieg. Le nord du pays est occupé. Le maréchal Pétain est chef de l’État français depuis le 11 juillet.
Révolté contre l’antisémitisme
Comme beaucoup alors, Mgr Théas se montre plutôt maréchaliste au début de l’occupation. Mais très vite, il ne supporte plus bien des aspects de la politique de collaboration, à commencer par les persécutions anti-juives. La grande rafle du Vel d’Hiv de juillet 1942 en zone occupée, mais aussi les rafles locales en zone libre, suscitent son indignation, comme celle d’une autre grande figure de l’épiscopat français : Mgr Jules Saliège, archevêque de Toulouse.
Le 30 août 1942, quatre jours après une nouvelle série d’arrestations dans le département du Tarn-et-Garonne, Mgr Théas fait lire dans les paroisses de son diocèse une lettre de sa main dans laquelle il dénonce sans ambiguïté les persécutions antisémites : “À Paris, par dizaines de milliers, des Juifs ont été traités avec la plus barbare sauvagerie. Et voici que dans nos régions on assiste à un spectacle navrant : des familles sont disloquées ; des hommes et des femmes sont traités comme un vil troupeau et envoyés vers une destination inconnue, avec la perspective des plus graves dangers.
Je fais entendre la protestation indignée de la conscience chrétienne et je proclame que tous les hommes, aryens ou non aryens, sont frères parce que créés par le même Dieu ; que les hommes, quelle que soit leur race ou leur religion, ont droit au respect des individus et des États”.
Arrêté par la Gestapo
Cette lettre suscite un fort retentissement parmi les fidèles et au-delà. Pourtant, l’évêque conserve son siège malgré la vigueur de son engagement et l’invasion de la zone sud par les forces allemandes en novembre 1942, sans doute protégé par sa popularité et son statut. Mais Mgr Théas ne limite pas son activité résistante à cette lettre : très concrètement, il anime un réseau de “planques” en faveur des Juifs pourchassés et signe de nombreux faux certificats de baptême. Il est finalement arrêté par la Gestapo le 9 juin 1944, trois jours après le Débarquement. Interné à Compiègne, il sera libéré par les forces américaines fin août 1944.
Après la Libération, Mgr Théas demeure évêque de Montauban. Il reste à ce poste jusqu’en février 1947, lorsqu’il est nommé évêque de Tarbes et Lourdes, charge qu’il occupera jusqu’en 1970. C’est d’ailleurs son action en faveur du sanctuaire marial qui est souvent plus connue que son engagement héroïque dans la résistance. Mgr Théas a en effet joué un rôle clé dans l’édification de la basilique Saint-Pie X, construite pour le centenaire des apparitions mariales, et qui continue d’accueillir des milliers de pèlerins. Néanmoins, les nombreux Juifs qu’il a contribué à sauver pendant la guerre ne l’ont jamais oublié. En 1969, un an avant son départ à la retraite, il est ainsi reconnu comme “Juste parmi les Nations” et un arbre à son nom a été planté au mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem.