De la « géographie sexuée des cours de récréation » aux « hommes sages-femmes » : florilège non exhaustif des mesures proposées dans le nouveau rapport du HCE.
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Présenté à la presse ce mercredi 22 février, le rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) est un document dense de 56 pages. Dans l’esprit des fameux « ABCD de l’Égalité » — qui avaient agité l’opinion en 2013-2014 avant d’être abandonnés — il préconise une série de mesures destinées à combattre les préjugés et clichés qui, dans l’environnement scolaire, brideraient encore une pleine égalité entre les filles et les garçons. Il se fonde sur une série de consultations menées auprès de l’ensemble des syndicats de l’enseignement, d’associations de parents d’élèves ou encore du Planning familial, considéré comme une « association tête de réseau intervenant en matière d’égalité filles-garçons ». L’objectif est clair : « L’élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l’homme et de la femme à tous les niveaux ».
Et pour donner l’exemple, le rapport précise en préambule qu’il a été « rédigé conformément aux recommandations relatives à l’usage du féminin et du masculin du Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe ». Cette ligne de conduite, scrupuleusement respectée, débouche sur une écriture parfois complexe, rappelant la nécessité de faire évoluer la pratique pédagogique « des enseignant.e.s, mais aussi des personnels de direction, conseiller.e.s principaux.ales d’éducation (CPE), des conseiller.e.s d’orientation psychologues (CoP) et des personnels d’inspection ».
Des clichés persistants ?
Passé ce rappel méthodologique, les experts du HCE dressent une série de constats qui témoigneraient de rigidités persistantes en dépit des nombreux dispositifs (lois, arrêtés, circulaires, conventions et feuilles de route) déjà mis en place pour promouvoir l’égalité. Au premier rang des situations problématiques, un comportement toujours différencié des professeurs face à leurs élèves, en fonction du sexe de ces derniers : « Les enseignant.e.s mobilisent filles et garçons dans des objectifs différents : les enseignant.e.s appellent davantage les filles en tant qu’auxiliaires (pour aider les autres élèves) ou pour calmer les garçons, lesquels sont davantage sollicités pour faire des démonstrations en cours d’éducation physique et sportive ».
Selon le HCE, de nombreux progrès restent également à faire dans les manuels scolaires, tant sur la forme que sur le fond, afin de mettre un terme à la « prégnance des représentations genrées » qui les caractérisent. Du point de vue linguistique, les experts déplorent ainsi « l’invisibilité du genre grammatical féminin dans la rédaction des programmes » ou l’absence « d’écriture inclusive ». Concernant le contenu, c’est la sous-représentation des femmes qui est stigmatisée, en particulier dans les manuels de français ou d’histoire. En SVT aussi, des progrès doivent être faits puisque « 84 % des filles de 13 ans ne savent pas comment représenter leur sexe et une fille de 15 ans sur 4 ne sait pas qu’elle a un clitoris ».
Hors de la salle de classe aussi, de nombreux efforts doivent être fournis. Le HCE déplore ainsi « une “géographie de la cour de la récréation” très sexuée : les filles jouent à la corde à sauter ou discutent dans des recoins et occupent peu d’espace ; les garçons investissent l’essentiel de la cour par des jeux mobiles et bruyants (football, “jouer à la guerre”, etc.) ». Une partition qu’il conviendrait de résorber sans délai.
Les enseignants en première ligne
Face à ces situations, dont la liste est loin d’être exhaustive, le HCE estime que les enseignants doivent intervenir en première ligne et devenir les agents de la transformation des mentalités, y compris des leurs. C’est donc à la racine, au sein des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE, ex-IUFM) que le problème doit être traité. Ainsi, il faut « faire de l’égalité filles-garçons une connaissance requise pour l’obtention des diplômes d’enseignant.e.s », ce que pourrait permettre la désignation de « personnes ressources sur l’égalité femmes-hommes dans chaque ESPE ».
Dans les établissements aussi, des personnels doivent être identifiés pour veiller à la mise en œuvre des pratiques égalitaires. Le rapport préconise ainsi de flécher un poste destiné à “un.e enseignant.e-chercheur.euse spécialisé.e sur le genre dans chaque École ». Au quotidien, les professeurs doivent pouvoir bénéficier en permanence d’outils pour adapter leur enseignement aux exigences de l’égalité, en mobilisant manuels, sites web dédiés et différentes ressources comme l’ « égalithèque » du centre Hubertine Auclert, citée en exemple de bonne pratique. Autant de dispositifs qui permettront in fine de changer le regard des élèves, par exemple en valorisant des situations professionnelles illustratives comme « des femmes mécaniciennes ou peintres en bâtiment, conductrices de poids lourds ou d’autocars » ou des « hommes sages-femmes ».
Au regard de son diagnostic et de ses recommandations, ce nouveau rapport du HCE révèle combien le sujet du genre demeure vivace au sein des instances qui participent de près ou de loin à l’élaboration des grands principes pédagogiques au sein du ministère de l’Éducation nationale. Sans surprise, aux ABCD de l’Égalité succèdent de nouvelles initiatives aux objectifs identiques. Alors que s’intensifie la campagne présidentielle, le rapport du HCE est une nouvelle occasion de demeurer vigilant.
Lire le rapport du HCE en intégralité