Favori des papes, il devient l’architecte de la basilique Saint-Pierre
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380 ans après l’inauguration du Baldaquin de Saint-Pierre, voici une étude qui retrace, à travers son œuvre et aussi des sources écrites, la personnalité de Gian Lorenzo Bernini, dit le Bernin, prestigieux sculpteur, architecte et peintre italien. Surnommé le second Michel-Ange, il s’est consacré toute sa vie aux travaux d'église, notamment au cœur de la Basilique Saint-Pierre.
Le Bernin et la Fabrique de Saint-Pierre
La contribution de Gian Lorenzo Bernini à la basilique Saint-Pierre est tout à fait exceptionnelle. On lui doit les chefs d’œuvre que sont le baldaquin, la colonnade de la place et la chaire de Saint-Pierre, les plus beaux exemples du travail accompli sans discontinuité par ce génial artiste et impresario baroque tout au long de sa vie, dès l’âge de 26 ans. On peut légitimement se demander pourquoi c’est le Bernin que trois papes aussi différents qu’Urbain VIII, Innocent X et Alexandre VII ont choisi pour décorer la basilique Saint-Pierre.
Notre artiste est tout jeune encore (1624), quand Urbain VIII Barberini (1623-1644) lui commande le Baldaquin de Saint-Pierre, offrant là au sculpteur l’occasion d’une prestigieuse commande publique, arrachée à Carlo Maderno, alors architecte de la Fabrique de Saint-Pierre.
En 1627, la Congrégation de Saint Pierre lui confie la statue de saint Longino destinée à la niche du pilier nord-est de la coupole. Preuve du rapport privilégié qu’il entretient avec le pape Barberini, sa mère pouvait écrire au pontife pour exhorter Sa Sainteté à corriger l’arrogance de son fils et son « tempérament de feu ».
En 1629, Gian Lorenzo est nommé par Urbain VIII architecte de la fabrique de Saint-Pierre, devenant dès lors « le vrai dictateur artistique de Rome », comme le qualifiait Francis Haskell, historien de l’art anglais.
Une chose est sûre: le Bernin n’a jamais perdu la faveur des papes. Innocent X Pamphilj (1644-1655) lui commandera la monumentale et célèbre statue équestre de Constantin, aujourd’hui du côté de la Scala Regia, où elle sera inaugurée plus tard par Clément X Altieri (1er novembre 1670).
Alexandre VII (1655-1667) confie au Bernin deux commandes qui le consacreront dans l’histoire de l’art: la majestueuse colonnade de la place, dont la structure et la forme ont été étudiées et discutées ensemble par le pape et l’architecte, et la chaire de Pierre pour l’abside de la basilique, apothéose ou ascension de la chaire, comme l’a justement observé l’historien de l’art Vittorio Casale.
Le Bernin selon les sources écrites: sur les traces de sa foi
Pour mieux comprendre d’où vient à l’artiste cette sagesse dont témoignent ses nouvelles iconographies, ses entretiens avec les papes, notamment Alexandre VII, ne suffisent pas. Il faut y voir aussi une attitude personnelle en rapport avec sa foi (du moins extérieure), et par là même une motivation « politique » dans le choix qu’ont fait les papes de confier précisément au Bernin la basilique Saint-Pierre.
On possède deux biographies posthumes du Bernin très semblables : la Vita di Gian Lorenzo Bernini de Filippo Baldinucci (1682) et celle de Domenico, le fils du sculpteur (1713). Une autre source de première main et d’importance capitale est le Journal de Fréart de Chantelou, dans lequel celui-ci relate les quelques mois passés près du Bernin (1665).
« Il était surprenant de voir comment un homme avec tant d’occupations importantes, pouvait entendre chaque matin la messe avec dévotion » dira son fils, évoquant le comportement religieux de son père, le « Chevalier Bernin ». Et il donne la liste des dévotions et prières quotidiennes du Bernin: visite au SS. Sacrement, récitation du Rosaire, lecture de l’Office de la Vierge … L’authenticité de son attitude religieuse est corroborée par diverses sources.
Bernini a une claire conscience de l’objectivité de la beauté et de son lien avec la soif de l’infini qui habite chaque homme en tant que créature à l’image et à la ressemblance de son Créateur. Le 2 juin Fréart de Chantelou cite le Bernin dans son Journal : il disait que la beauté de l’architecture, comme d’ailleurs en toutes choses, naît de la justesse de la proportion, qui peut être considérée comme un aspect du divin, car elle tire son origine du corps d’Adam, non seulement modelé par les mains de Dieu, mais formé à son image et à sa ressemblance .
Le Bernin était un homme conscient de sa vocation d’artiste au service de Dieu. Nous lisons encore dans le Journal de Chantelou, le 25 juin, que « le Cavalier a dit que Dieu en était l’auteur [des dessins du Louvre…) qu’avant d’y travailler, il s’était recommandé à Lui, et que depuis, tous les jours il lui avait demandé la grâce d’y réussir; que ce qu’il avait fait, il pouvait dire que c’était Dieu qui le lui avait inspiré… et que sans cela il n’aurait pu rien concevoir de plus magnifique ». Et plus loin, il insiste « le Chevalier [Bernin) a dit au roi que ce n’était pas lui l’auteur, mais que l’idée était venue de Dieu ».
De même, les contacts du Bernin avec la Confraternité de la bonne mort l’ont conduit à une réflexion profonde sur l’expérience chrétienne de la mort… Cette réflexion débouchera sur une expérience religieuse totalisante résumée en une phrase dans son testament: “l’homme doit penser à bien vivre pour bien mourir.
La profonde spiritualité chrétienne de Gian Lorenzo Bernini se traduira plus tard, en plus des œuvres sur commande, dans la réalisation des œuvres destinées à sa dévotion personnelle quand il se lancera dans de nouvelles iconographies. Sa vie centrée sur l’expérience chrétienne, et ses oeuvres conformes à la tradition de l’Eglise et de la prière, en ont fait l’interlocuteur privilégié des trois papes, qui n’ont pas été sensibles seulement au génie des projets et au professionnalisme de l’entreprise dirigée par Bernini, mais aussi à la vie personnelle et à la foi du grand artiste .