Saint Jean nous livre cet étrange dialogue entre Pilate et Jésus au sujet de la royauté du Christ. Pilate insiste : « Es-tu roi ? », « Donc tu es roi ? », « Voici votre roi ! ». Et Jésus de répondre : « Mon royaume n’est pas de ce monde », ou encore : « Tu le dis : je suis roi. Je ne suis né, et je ne suis venu dans le monde, que pour rendre témoignage à la vérité ».
Un roi déconcertant : une couronne d’épines plantée dans la tête et un sceptre de roseau greffé à la main, le pourpre d’un manteau jeté sur sa chair meurtrie. Voilà les insignes dérisoires de cette royauté déroutante où l’homme ainsi vêtu est à la fois le roi et le royaume. Et pour rajouter au paradoxe, Jésus en a fait une béatitude au présent : « Bienheureux les pauvres, car le Royaume des cieux est à eux ». Le larron a compris : il ne demande pas d’être détaché de la croix ; il demande le Royaume ! Et ce Royaume n’est pas un concept, une doctrine, un programme politique à mettre en œuvre ; il est avant tout une Personne qui a le visage et le nom de Jésus de Nazareth : « Aujourd’hui tu seras avec moi, au paradis ! »
Dans l’eucharistie, le Christ-Roi siège en son trône de miséricorde
Ce Royaume s’inaugure dans le cœur de l’homme : c’est là que le Christ veut d’abord régner. Il nous faut donc lâcher les rênes du pouvoir sur notre vie pour laisser au Christ-Roi la gouvernance de nos existences : « Convertissez-vous car le royaume de Dieu est tout proche » (Mt 3, 2 ; 4, 17). Le bonheur est à ce prix ! Grâce à cette conversion, le Christ peut alors établir son règne sur l’intelligence humaine parce qu’il est la Vérité qui rend libre. Le Christ règnera aussi par sa charité qui entraîne nos volontés dans la logique du don de soi. Cependant, ressuscité et glorieux, Jésus manifeste le caractère réel et universel de sa royauté : « Tout pouvoir m’a été donné au Ciel et sur la Terre » (Mt 28, 18). Par conséquent, cette royauté du Christ aura nécessairement des effets sociopolitiques.
"Dans l’eucharistie, le Christ-Roi siège en son trône de miséricorde en attendant de nous conduire devant son trône de gloire afin d’entrer pleinement dans un règne qui n’a pas de fin !"
En instituant la fête du Christ-Roi le 11 décembre 1925, dans un temps troublé de l’Histoire, le pape Pie XI déclarait : « Si les hommes venaient à reconnaître l’autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique, des bienfaits à peine croyables – une juste liberté, l’ordre et la tranquillité, la concorde et la paix – se répandraient infailliblement sur la société toute entière ». Autrement dit, une véritable culture de paix et de justice ne peut pas s’établir sans le règne de la vérité et de l’amour, c’est-à-dire sans le règne du Christ qui est Vérité et Amour.
L’Église est déjà le règne de Dieu mystérieusement présent en ce monde. En communiquant aux hommes la vie divine, elle étend le règne du Christ sur la Terre comme il l’est au Ciel. Le centre névralgique de ce royaume, c’est l’eucharistie. Là, le cœur du Christ-Roi palpite et palpitera jusqu’au jour où Jésus remettra toute royauté à son Père ; alors Dieu sera tout en tous ! Dans l’eucharistie, le Christ-Roi siège en son trône de miséricorde en attendant de nous conduire devant son trône de gloire afin d’entrer pleinement dans un règne qui n’a pas de fin !
Père Nicolas Buttet