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Réinventer sa relation de couple à l’arrivée du premier enfant

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Edifa - published on 18/10/20 - updated on 18/11/21
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La naissance d’un premier enfant ne se fait pas sans discrétion. Si ce changement apporte beaucoup de bonheur, il s’avère aussi parfois éprouvant pour le couple, le poussant à se transcender.

« Je suis enceinte. » Elles sont rares ces phrases qui ont la vigueur des coups de poing. Elles cognent. Si fort que le cerveau en est sonné. Le cœur se fige. Ou bien fonce. Le temps s’arrête, comme un curieux qui voudrait regarder les réactions provoquées par ces trois mots. Pour la plupart des couples, c’est l’explosion de joie. Plus encore pour ceux qui ont traversé l’épreuve de l’infertilité ou celle des fausses couches. Pour d’autres couples, c’est la panique. La surprise qui paralyse. Dans tous les cas, l’arrivée d’un premier enfant sera une aventure. Une odyssée qui démarre tôt.

La grossesse, un temps où chacun doit trouver sa place et comprendre celle de l’autre

« Dès l’annonce de la grossesse, l’homme et la femme commencent à vivre un déplacement dans leur relation », analyse Florence Prémont, conseillère conjugale et familiale du cabinet Ephata (Paris 8e). « La femme vit quelque chose de bouleversant dans son intimité. Le père aura quant à lui comme un acte d’adoption à poser, au moment de la naissance », poursuit-elle. L’arrivée d’un tiers fait entrer le couple dans une perturbation. Un temps de crise entre deux états stables où chacun doit trouver sa place et comprendre celle de l’autre. Pour chaque couple, la gestion de ce phénomène est unique. Facile et naturelle pour certains. Imprévisible et laborieuse pour d’autres.

Lorsque Guillaume apprend que sa femme est enceinte, il jubile. Mais c’est la douche froide quand il s’aperçoit que Marie ne se réjouit pas autant que lui. « Quelques semaines après notre voyage de noces, et alors que nous venions de déménager dans une nouvelle ville, j’ai réalisé qu’on attendait un bébé. J’ai alors ressenti comme une angoisse. Je prenais conscience de tout ce que cela impliquait. Dans le même temps, j’ai ressenti physiquement les symptômes casse-pieds de la grossesse. Je vivais le changement dans mon corps. Guillaume, lui, vivait la nouvelle de façon extérieure », raconte la jeune femme, qui se rappelle n’avoir pu dire qu’au bout de trois mois « un grand oui à cette vie naissante »… un certain 8 décembre, jour de la fête de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie.

Dès l’accouchement, tout est une question d’ajustement

Ce type de démarrage « à deux vitesses » n’est pas rare. Même après la naissance, les réactions peuvent décontenancer l’un des conjoints et susciter de sérieuses inquiétudes. Citons le fameux baby blues, phénomène bien réel causé par une sensation de vide physique chez la mère combiné à une chute des hormones. « Petit conseil pour les jeunes papas : ne jamais contredire sa femme pendant au moins trois jours et être encore plus tendres et attentifs que d’habitude ! », sourit Margaux, sous le regard approbateur de son mari Alexis. L’attitude du père est bien souvent déterminante pour que la mère se sente reconnue dans ce qu’elle a traversé.

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L’expérience de la salle d’accouchement a quelque chose de déroutant pour un homme. Il est physiquement « à côté » de l’événement. Il assiste à un effort inouï, presque insoutenable dans certains cas. Et puis soudain, le poids de la responsabilité tombe. « La présence de l’enfant donne une densité à l’existence qui peut déstabiliser certains pères », note Florence Prémont. Avec le temps, le père cesse d’être « à côté » de la fusion qui s’est opérée durant neuf mois entre l’enfant et la mère. La Sœur Marie Jérémie, responsable de la maternité catholique Sainte-Félicité à Paris avertit : « Le couple prime ! L’enfant qui vient de naître doit bien sûr avoir sa place, mais il ne doit pas prendre toute la place. » Pour créer ce nouvel équilibre, la jeune maman a une responsabilité particulière : « Elle doit prendre conscience du lien singulier qui l’unit à l’enfant pour aider le mari à trouver sa place. »

Tout est alors une question d’ajustement. « Certaines femmes sont très inquiètes et veulent que leur mari s’implique à tout prix », témoigne Juliette Chové, sage-femme basée à Locminé (Morbihan). Pour le meilleur mais aussi pour le pire. « J’ai l’exemple de cette femme qui a opté pour le biberon uniquement pour que son mari puisse le donner une fois sur deux. Elle imaginait que cela lui permet­trait de compenser une possible frustration. Or, il n’était même pas au courant ! », raconte la sage-femme, qui propose aussi un parcours de préparation spirituelle à la naissance.

Le retour à la maison ou la flambée des inquiétudes

Après les quelques jours passés à l’hôpital, le couple revient à la maison. Le couffin est posé dans le salon. Là, une sensation de solitude s’abat généralement sur les jeunes parents ; suivie d’une ribambelle de questions : « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? », « Sommes-nous vraiment capables de nous occuper seuls de notre enfant ? », « Et s’il ne voulait plus se nourrir ? », « Pourquoi dort-il si longtemps ? », « Fait-il assez chaud ? », « Il a fait un bruit bizarre, non ? »…

Si les parents sont sereins, l’enfant le sera également.

Pour Juliette Chové, cette anxiété est normale : « Tous les parents ont le souci de bien faire. » Lorsqu’elle intervient après la naissance pour s’assurer que tout se passe bien pour l’enfant, elle en profite pour sécuriser les parents. « S’ils sont sereins, l’enfant le sera également. Je fais appel à leur bon sens. Par exemple, quand ils me demandent s’il faut réveiller le petit pour lui donner à manger, je leur demande s’ils seraient contents qu’on en fasse de même pour eux. »

« On a souvent tendance à trop intellectualiser les choses », estime pour sa part la Sœur Marie Jérémie, prenant l’exemple de l’allaitement. « Ainsi, en Afrique, on ne se pose pas la question de savoir si on est capable ou pas d’allaiter, poursuit-elle. La maternité peut être un moment de lâcher-prise où l’on fait confiance aux capacités méconnues de son corps. »

La fatigue, l’ennemi numéro un du couple

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Une difficulté pour le couple qui revient en boucle, c’est la fatigue. Sournoise, elle s’infiltre partout, comme un gaz qui n’attend plus qu’une étincelle pour faire tout exploser. Quelques nuits sans sommeil, ça passe. Leur accumulation pourrait faire passer un couple à trépas… « Ne jamais avoir de grasse matinée pour récupérer de la semaine est une contrainte supplémentaire », ajoutent Mathilde et Maxime, jeunes parents d’une petite Hélène. Ils préconisent de surtout dormir en même temps que le bébé. « Et tant pis si c’est le bazar à la maison ! », ajoutent Valentine et Gauthier, jeunes parents de Baudoin.

« Il faut être capable de dire à l’autre qu’on est fatigué et qu’on aimerait qu’il s’occupe un peu plus de l’enfant, des courses ou du ménage », insiste Sabrina de Dinechin, médiatrice familiale à Paris. « Quand l’un des époux a l’impression de faire des efforts permanents et qu’il ne reçoit aucune reconnaissance, cela peut conduire à l’épuisement, mais aussi au clash. » « On devrait prescrire au couple de se retrouver au moins une journée seul dans le mois qui suit la naissance ! », préconise dans le même sens Florence Prémont. Autre idée à glisser à l’oreille de vos proches pour un cadeau de naissance : un baby-sitting vaut parfois bien plus qu’un hochet.

Quand la libido fait dodo

La reprise des relations sexuelles après l’arrivée d’un enfant prend du temps. « Les couples que j’accompagne sont contents qu’on puisse aborder ce sujet, qui suscite beaucoup de peurs », confie Juliette Chové. Il s’agit pour elle de les désamorcer. « Pendant la grossesse, il n’y a pas d’incidence particulière. Non : cela ne va pas provoquer l’accouchement », souligne-t-elle. Mais, après un accouchement, la libido peut en prendre un coup. « Certaines femmes ne veulent pas que leur mari les touche parce qu’elles se sentent un peu déformées. De même, quand une femme allaite, son corps produit de la prolactine, une hormone qui met la libido en berne, poursuit la sage-femme. L’important, c’est de prévenir le mari, de le rassurer. Ce n’est pas parce que la femme n’a plus de désir durant un temps qu’elle ne l’aime plus. »

Le conjoint lui aussi peut avoir quelques appréhensions. Certains hommes restent traumatisés par le « spectacle » de l’accouchement. « On n’est pas obligé de tout voir ! Je pense qu’il est préférable de rester au niveau du visage de sa femme », conseille Juliette Chové. Autre difficulté pour les couples qui suivent les méthodes naturelles : le cycle de la femme est bouleversé, d’autant plus avec l’allaitement. Le recours à un moniteur expérimenté est recommandé.

S’adapter au rythme de l’enfant pour ne pas rendre le quotidien infernal

« Il pleure depuis deux heures et je me lève dans trois heures… », « Il faudra s’arrêter à la prochaine aire d’autoroute pour changer sa couche », « Ah bon, c’est l’heure du goûter, chérie ? C’est bête, on vient de quitter l’aire ! », « J’ai oublié de prendre du sérum physiologique à la pharmacie, tu peux y retourner ? », « Tu feras attention, tu as une petite trace sur ton costume, là, à l’épaule droite… » Voilà un petit florilège des phrases que, globalement, tous les jeunes parents se disent ou entendent dans les premiers mois qui suivent la naissance. L’enfant arrive, avec son rythme à lui.

« Si on veut lutter, on peut. Mais on se heurtera à un mur et on perdra de l’énergie, sourit la Sœur Marie Joseph. Je crois que la première éducation consiste à accueillir le rythme de l’enfant et à lui expliquer qu’un jour il faudra en prendre un autre. Comme dans tous les accompagnements, il est bon de partir de la personne et de cheminer avec elle. » Guillaume avoue avoir mis du temps à prendre conscience de cela. « Avoir un enfant implique de réels renoncements. Si tu ne t’adaptes pas au rythme de ta femme qui est enceinte puis à celui de ton enfant, tu rends ton quotidien rapidement infernal. » Bref, l’enfant est le meilleur ennemi de l’égoïsme.

Quelle famille veut-on bâtir ?

Beaucoup de couples en témoignent : en devenant respectivement père et mère, chacun a tendance à se rapprocher naturellement de ses propres parents. Cela a du bon : « J’ai ressenti une immense reconnaissance à l’égard du don de la vie de mes parents. J’ai mesuré combien ils avaient été généreux », confie Quitterie, jeune maman qui attend un deuxième enfant. Cela peut avoir du moins bon. « On a des hommes qui n’écoutent plus que leur mère et font passer les messages à leur femme. Les épouses voient cela comme une intrusion, voire une agression », rapporte Sabrina de Dinechin. La période de la naissance est une belle occasion pour pratiquer l’art de la délicatesse et de la mesure au sein du couple.

L’arrivée de l’enfant révèle par ailleurs que les époux n’ont pas forcément reçu la même éducation. « Un bébé qu’on entend pleurer, c’est une porte mal fermée », dira-t-on dans une famille. « C’est un enfant qui a besoin de tendresse », entendra-t-on dans une autre. Pour la Sœur Marie Jérémie, « l’arrivée de l’enfant ne pose pas uniquement la question de savoir qui il est, mais aussi de savoir qui je suis. C’est le moment de relire sa propre histoire, sans rejeter son éducation, sans peut-être tout accepter non plus ».

Hugues Lefèvre

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