Voici trente ans était publiée l’encyclique Veritatis splendor. Première encyclique traitant des questions de morale fondamentale, elle est apparue dès sa publication comme un des textes majeurs du magistère du pape saint Jean-Paul II. Cette encyclique avait pour but d’apporter une réponse face à plusieurs positionnements en morale fondamentale qui, depuis la fin des années cinquante, mettaient en danger une juste compréhension de la vie morale du croyant. Ceci fut l’occasion de traiter des sujets fondamentaux parmi lesquels la nature de la conscience et sa place dans le jugement moral, l’existence d’actes qu’aucune circonstance ne permet de justifier, les fameux actes intrinsèquement mauvais.
Contre le relativisme éthique
Cette encyclique a la particularité de traiter non un sujet sociétal ou de la vie de l’Église, mais un point délicat de théologie. D’une lecture exigeante, sa diffusion n’a probablement pas eu l’écho qu’elle aurait pu avoir. Or, le contexte actuel invite à revenir à ce document. En effet, le pape François invite sans cesse les pasteurs de l’Église à être attentifs aux situations concrètes des personnes. Cette démarche caractéristique de la charité pastorale, pour être ajustée, doit s’enraciner dans des convictions fortes et avoir des repères clairs au risque sinon de s’égarer dans un sentimentalisme où une fausse compassion conduira à justifier un relativisme éthique.
Nous relevons d’ailleurs dans les prises de paroles du pape François de fréquentes références à ces fondamentaux, par exemple dans ses appels répétés au respect de la dignité de la personne humaine, tant à travers la question de l’immigration que des questions autour du respect de la vie humaine (avortement, euthanasie). Le très récent document du Dicastère pour la doctrine de la foi, Dignitas infinita, en soulignant le caractère inaliénable de cette dignité par le refus de la GPA par exemple, induit le fait que les actes qui porteraient atteinte à celle-ci ne peuvent jamais être légitimés, fait qui atteste de la permanence dans le magistère actuel de la notion d’actes intrinsèquement mauvais.
Le souci pastoral
Certains courants pensent voir dans cette attention du Saint Père une remise en cause des acquis de l’encyclique Veritatis splendor particulièrement autour de la compréhension de la conscience et de son rôle dans la vie morale. C’est ainsi qu’on peut voir fleurir des publications qui réinterprètent le texte du saint pontife à partir de positions philosophiques étrangères à l’encyclique, remettant en cause la réception de ce texte telle qu’elle a été promue par Jean-Paul II lui-même, mais aussi par Benoît XVI, cheville ouvrière de ce texte de par sa fonction de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi au moment de la rédaction de ce texte.
Le choix du saint Père de s’appuyer sur ce texte nous indique la direction à suivre : repartir du Christ. Son incarnation montre que le chemin vers Dieu passe par notre corps.
Il nous est apparu donc important de proposer un colloque où puisse être montré en quoi Veritatis splendor est une pierre de fondation du discernement pastoral. C’est un lieu commun aujourd’hui d’opposer doctrine et pastorale, laissant entendre que dès qu’on a un souci de référence à la doctrine, ce serait au détriment de la charité pastorale. Nous souhaitons au contraire montrer comment le souci pastoral est au cœur de cette encyclique.
Un fondement christologique
Le Christ est le bon pasteur. Sa réponse à la question du jeune homme riche : "Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ?" (Mt 19, 16) structure non sans raison le texte de l’encyclique. Il s’agit bien des conditions d’un agir bon qui permette d’accéder à la vie éternelle. Le choix du saint Père de s’appuyer sur ce texte nous indique la direction à suivre : repartir du Christ. Son incarnation montre que le chemin vers Dieu passe par notre corps et que notre humanité, transformée par l’action de la grâce, est le lieu où se réalise notre salut. L’agir chrétien se comprend bien lorsqu’on intègre cette articulation entre nature et grâce telle que la personne du Christ, vrai homme et vrai Dieu, nous la révèle.
Ce fondement christologique de l’agir moral permet ensuite de considérer la place de la conscience et du discernement qui passe par une attention précise aux éléments composants l’agir moral. Cette capacité à comprendre ce qui se joue dans un acte concret est l’attitude qui permet d’éviter la froideur d’une attitude doctrinaire. Ceci conduira à comprendre d’une manière ajustée l’affirmation de Veritatis splendor selon laquelle il est toujours possible de faire le bien.
Vie sacramentelle et discernement pastoral
Nous considérerons ensuite le lien entre vie sacramentelle et discernement pastoral, sujet délicat s’il en est aujourd’hui. Les sacrements sont une nourriture indispensable à la vie de la grâce et il est important de bien comprendre les conditions permettant à cette grâce de se déployer dans la vie chrétienne. Enfin, nous conclurons par une réflexion sur le discernement dans la vie pastorale à partir d’une réflexion sur l’homme, sujet de l’action, et sur le discernement dans l’accompagnement, attitude fondamentale dans la vie pastorale et ecclésiale. Mgr de Moulins-Beaufort conclura ce parcours.
Pratique