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"Les bénévoles sont écœurés, désabusés." En Nouvelle-Calédonie, les émeutiers n'ont pas épargné les biens des associations catholiques. La Société-Saint-Vincent-de-Paul (SSVP), qui intervient auprès des plus précaires et des sans-abri, a presque tout perdu. Situées dans des quartiers encore inaccessibles, deux des trois épiceries solidaires de l'association sont à l'arrêt. Cinq véhicules sur six sont entièrement calcinées, alors qu'ils sont indispensables aux bénévoles pour transporter des denrées alimentaires, du matériel, ou visiter des familles pauvres et isolées. "La Maison Ozanam (siège de l’association en Nouvelle-Calédonie) a pratiquement brûlé, elle a été vandalisée et pillée", raconte auprès d'Aleteia Elisabeth Gau, responsable de l'antenne Nouvelle-Calédonie de la SSVP. "J’ai pu y aller deux fois, avec un intervalle de 10 jours. Ce que j’ai vu la deuxième fois était bien pire, c’était un cataclysme." Or, cet endroit était aussi le centre administratif de l'association et un lieu phare de la vie sociale du quartier. Au total, la facture s'élève à près de 150.000€.
Les dégâts sont tels que la majeure partie des activités de la SSVP n'a toujours pas repris. Or, au regard du nombre de personnes accueillies par l'association, cette immobilité forcée est potentiellement catastrophique . En 2023, la SSVP ne comptait pas moins de 20.127 passages dans ses épiceries, où les bénéficiaires ont pu recevoir une aide alimentaire. "Nous n’avons pas beaucoup de liens avec nos bénéficiaires, tout le monde a tendance à rester chez soi, car il y a beaucoup de pillages", affirme par ailleurs Elisabeth Gau.
Autres freins à l'action des associations catholiques, la peur, l'attente et l'incertitude qui sont encore le quotidien des Calédoniens. Car si les émeutes se sont calmées, certains quartiers restent inaccessibles. Les nombreux barrages sont toujours infranchissables et la sécurité n'est pas encore rétablie. Toute la vie de l'Église s'en trouve ainsi impactée. Pour mémoire, le diocèse de Nouméa compte plus de 271.000 personnes pour 24 prêtres en activités et 23 diacres permanents. Dans les paroisses, les messes sont maintenues mais beaucoup de fidèles effrayés ne viennent plus y assister. Le pèlerinage de Téné, qui a lieu tous les ans depuis 1988, a dû être annulé. Une première en 36 ans d'existence. Temps fort de la vie des chrétiens en Nouvelle-Calédonie, il rassemble habituellement des milliers de personnes chaque année, dont une forte proportion de jeunes. "C'est très triste, souffle Mgr Jean-Yves Riocreux, évêque émérite et ancien curé de la cathédrale de Nouméa. Ce pèlerinage est un moment fort de prière, de formation et de réflexion." "Il est difficile de se projeter dans l'avenir, à court et moyen terme, raconte-t-il. C'est inimaginable ce qu'il se passe."
Plus de ravitaillement alimentaire
"Les gens sont perdus, ça nous dépasse", assure quant à lui Yves Carpentier, délégué de l'Ordre de Malte en Nouvelle-Calédonie. Sur l'archipel, l'une des missions de l'Ordre de Malte est de monter un camp d'accueil autonome pour les réfugiés climatiques, capable d'accueillir 200 personnes. Mais avec la situation, le camp sert finalement à fournir du matériel pour les situations d'urgence. "Nous avons les moyens de prêter du matériel, alors nous donnons tout ce que nous avons et qui peut être utile, poursuit-il. Ce sont surtout pour des familles dont les maisons ou les sociétés ont été brûlées." Avant les émeutes, les 30 à 60 bénévoles de l'Ordre de Malte s'occupaient de la lèpre et délivraient des formations aux premiers secours dans les tribus. "On a dû tout arrêter", se désole Yves Carpentier. L'association doit alors se contenter de "petites choses" : livraison d'eau, ravitaillement de maisons de retraite, etc. "Il y a quelques jours, on a porté 150 kg de pommes de terre aux Petites soeurs des pauvres", note-t-il. "Il faut bien que quelqu'un les porte."
Les bénévoles de la SSVP, eux, tentent de faire ce qu'ils peuvent avec de maigres moyens. "Nous nous sommes mutualisés avec le Secours catholique pour la distribution de colis alimentaires auprès des sans-abri", raconte Elisabeth Gau. Mais faute d'avoir des nouvelles des organismes publics chargés de l'approvisionnement, les bénévoles prélèvent désormais dans leurs propres denrées en stock. Une solution intenable sur le long terme, alors que les grossistes ne font plus de ravitaillement, et que les dons sont inexistants. "On est tous malheureux, chacun fait le maximum pour la population, et la seule récompense c’est de tout brûler", confie Yves Carpentier. "C’est très dur. Nous souffrons de ne pouvoir être seulement un tant soit peu plus efficaces et utiles aux côtés des plus fragiles." Pour autant, chez la SSVP comme chez l'Ordre de Malte, pas question d'abandonner. "S'il faut rebâtir, on rebâtira", assure Yves Carpentier. L'espérance prévaut.