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Chaque week-end depuis un mois, des Arméniens manifestent contre la politique menée par l’actuel Premier ministre, Nikol Pashinyan. Ce dernier est tenu responsable des défaites des Arméniens face à l’ennemi Azerbaïdjanais et se montrerait servile à l’égard de son adversaire dans les actuelles négociations. Il aurait en particulier cédé des territoires arméniens sans rien obtenir en retour. En l’absence d’une opposition solide et unie, l’archevêque Bagrat Galstanyan mène depuis quelques semaines la contestation. Afin de pouvoir faire voter une motion de censure à l’encontre de l’actuel Premier ministre, il se présente désormais lui-même comme alternative. Il ne prévoit pas de gouverner sur le long terme, mais de se retirer du poste pour organiser des élections, son seul objectif affiché étant de se débarrasser de l’actuel Premier ministre.
De fait, Nikol Pashinyan fait l’objet d’un mouvement de rejet auprès d’une partie de l’opinion publique arménienne en raison de la défaite militaire de 2020 d’une part, et de sa façon de négocier avec l’ennemi azerbaïdjanais d’autre part. Pourtant, aucune opposition politique structurée ne peut renverser l’actuel Premier ministre. Vahé Ter Minassian, journaliste pour France Arménie, pose l’équation impossible : "En Arménie, aucune opposition n’a jusqu’à présent réussi à accéder au pouvoir par la voie des urnes même si le pays a connu des alternances à la suite de démissions. Les électeurs sont actuellement coincés entre Pachinian et l’ancien dirigeant Robert Kotcharian, dont personne ne veut. Mgr Bagrat Galstanyan veut incarner une troisième voie."
Un avenir incertain
Mgr Bagrat Galstanyan a néanmoins peu de chances de parvenir à ses fins, si l’on en croit le journaliste qui craint que son mouvement ne change rien au destin de l’Arménie. "Même s’il parvenait au pouvoir, cet archevêque ne serait pas en position de force pour régler le principal problème du pays, à savoir négocier avec un Azerbaïdjan triomphant, qui n’est prêt à faire aucune concession." Effectivement, l’actuel Premier ministre se débat auprès des instances internationales pour qu’un traité scelle la paix entre son pays et l’Azerbaïdjan. Son interlocuteur, le Président Ilham Aliyev ne fait preuve d’aucune volonté de conclure l’arrangement. Il a en particulier pratiqué la politique de la chaise vide lors des dernières négociations prévues à Grenade puis à Prague. Le dictateur sait que la position de force écrasante de son armée et le gaz que son pays exporte – notamment en Union européenne - lui autorisent tous les excès.
On imagine la douleur de voir ce pays à la fois nouveau et très ancien, si symbolique aux yeux des Arméniens du monde entier, humilié par l’Azerbaïdjan allié de la Turquie.
Si Mgr Bagrat Galstanyan devenait Premier ministre, il risquerait de déclencher une politique plus agressive encore de la part du dictateur Azéri, profitant du manque d’expérience politique de son nouvel interlocuteur. Il hériterait de toute façon d’un pays vaincu, minuscule comparé à ses voisins hostiles, l’Azerbaïdjan et la Turquie, et dépourvu d’allié fiable.
Un évêque courageux
L’archevêque a prouvé qu’il ne manque pas de courage physique, puisqu’il est resté durant la guerre de 2020 au Haut-Karabagh jusqu’au dernier jour au côté des soldats arméniens. Sa démarche, à défaut d’être réaliste, à au moins le mérite de mettre le doigt sur la division des Arméniens, le grand mal dont souffre ce peuple déchiré. Les points de vue divergent entre ceux qui viennent de la diaspora ou qui ont grandi sur une ligne de front au Haut-Karabakh (ou Artsakh). L’archevêque rappelle que les Arméniens, dans leur situation précaire ne peuvent pas se payer le luxe de se diviser.
Son parcours personnel ressemble à celui de beaucoup de ses compatriotes, ballottés par l’histoire entre des peuples plus nombreux et puissants qu’eux. Né sur l’actuel territoire Arménien de parents originaires d’Iran, il a milité pour l’indépendance de son pays vis-à-vis de l’URSS avant d’entrer au séminaire. Il a vu le pays sortir du bloc soviétique et affronter l’Azerbaïdjan en 1994 et 1995 au cours d’une épopée faite de victoires et de chutes, qui consacrait son pays natal comme une entité libre et indépendante, pour la première fois depuis un millénaire.
On imagine la douleur de voir ce pays à la fois nouveau et très ancien, si symbolique aux yeux des Arméniens du monde entier, humilié par l’Azerbaïdjan allié de la Turquie. Mgr Bagrat Galstanyan, comme beaucoup de ses compatriotes, ne le supporte pas et espère un sursaut d’orgueil national. Mais si Nikol Pashinyan porte une grande responsabilité dans la situation actuelle du pays, rien ne dit qu’un autre dirigeant, aussi bien intentionné soit-il, pourrait résoudre l’impossible équation arménienne.