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Fin de vie : un jeu de dupes entre le pape François et Emmanuel Macron ?

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Emmanuel Macron et le pape François, le 24 octobre 2022.

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Cyprien Viet - publié le 26/05/24
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L’Assemblée nationale va débattre, à partir du 27 mai, du projet de loi sur “l’aide active à mourir”, soutenu par le président Emmanuel Macron. Le président de la République s’est souvent affiché comme proche du pape François, donnant l’impression de l’instrumentaliser. Vu de Rome, l’attitude du chef de l’État suscite des inquiétudes.

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"Avec la vie, on ne joue pas, ni au début, ni à la fin" : au retour de son voyage à Marseille, le 23 septembre dernier, le pape François avait répondu par ce clair avertissement à la question de savoir s’il avait parlé de la loi sur la fin de vie avec le président Emmanuel Macron. Il avait alors expliqué que ce thème avait été abordé non pas directement à Marseille, mais lors de leur précédent entretien à Rome, en octobre 2022. "Je lui ai parlé clairement, je lui ai exposé mon point de vue", avait assuré le Pape.

Le président de la République, qui a rencontré le Pape argentin à quatre reprises, "entretient une relation étonnante avec le pape François, qu’il tutoie", remarque le journaliste et écrivain Bernard Lecomte, auteur du livre France-Vatican, deux siècles de guerre secrète, publié aux éditions Perrin. Il nous explique que le chef de l’État joue la carte de l'ambiguïté sur ce terrain de la relation avec l’Église et avec le Pape comme sur d’autres sujets. 

Le problème, c’est que le président Macron applique aux religions la règle du ‘en même temps’.

"Le problème, c’est que le président Macron applique aux religions la règle du ‘en même temps’. Son discours aux Bernardins en 2018 avait agréablement surpris les évêques ainsi que le Pape et son entourage, laissant croire à un rabibochage entre l’État et l’Église. Mais sur ce dossier comme sur beaucoup d’autres, le président Macron est allé très loin… avant de laisser tomber", constate-t-il. 

Le débat sur la fin de vie a pris la même tonalité. "Le président peut rencontrer poliment des responsables religieux à titre plus ou moins privé, et donner l’impression de les comprendre, tout en tranchant en faveur d’une évolution de la loi vers une aide active à mourir au nom d’une conception de la ‘modernité’ qui ne semble plus se prêter à un véritable débat", analyse Bernard Lecomte.

L’euthanasie, “reflet d’une culture du rejet”

En visite à Rome cette semaine, les membres de la présidence de la conférence des évêques de France ont lu avec attention un message du Pape diffusé à l’occasion d’un colloque au Canada sur les soins palliatifs. Le chef de l’Église catholique y qualifie l’euthanasie d’ "échec de l’amour" et de "reflet d’une ‘culture du rejet’". Un message significatif pour ce pays d’outre-Atlantique qui assume une orientation ultra-libérale sur la fin de vie. 

"Le Pape prend le sujet très au sérieux à l’échelle du monde", a confié Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la conférence épiscopale et archevêque de Reims, lors d'un point presse à Rome. À la question de savoir si le pape François pouvait être déçu par l’attitude d’Emmanuel Macron, Mgr Éric de Moulins-Beaufort répond : "Je ne sais pas si le Pape a eu des illusions. Le Pape a dit ce qu’il avait à dire." 

En 1975, Giscard réprimandé pour la loi sur l’IVG

Certes, dans les relations entre le pape et le président, l’époque n’est plus à des remontrances directes… ou du moins, rien n’en ressort. Il n’en fut pas de même pour Valéry Giscard d’Estaing, fortement réprimandé par Paul VI puis par Jean Paul II pour avoir permis la légalisation de l’avortement. "Le président Giscard se revendiquait catholique, mais la question de l’avortement a plombé sa relation avec les papes", se souvient Bernard Lecomte. 

L’entretien tendu du président Giscard d’Estaing avec Paul VI, en 1975, eut une conséquence particulièrement tragique : furieux d’avoir été tancé par ce pape italien pourtant perçu comme francophile et libéral, le président de la République rejeta la faute de cet entretien raté sur l’ambassadeur de France près le Saint-Siège, qui fut démis de sa charge. Profondément humilié par son renvoi, Gérard Amanrich sombrera dans la folie. Il finira par se suicider quelques mois plus tard, après avoir tué sa femme et ses deux enfants.

La France, partenaire indispensable mais insaisissable

Cinquante ans après ces tensions et cette tragédie oubliée, les relations entre la France et le Saint-Siège se sont améliorées. Les nombreuses visites de Jean Paul II dans l’Hexagone, la visite très réussie de Benoît XVI à Paris et à Lourdes en 2008 et la venue à Marseille du pape François en septembre 2023 ont redonné à la France une place significative dans la vision que la papauté a d’un monde multipolaire. Les diplomaties française et pontificale coopèrent sur plusieurs dossiers sensibles, notamment sur la préservation du multi-confessionnalisme au Liban ou sur le conflit israélo-palestinien, Paris et Rome s’accordant sur la nécessité d’une solution à deux États.

Néanmoins, l’évolution législative de ces derniers mois alimente un malaise évident dans les cercles romains. "Il est terrible, votre président, avec toutes ces lois contre la vie", confie, dépité, l’ambassadeur d’un pays latino-américain accrédité près le Saint-Siège. Ce proche ami du pape François a été choqué par l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution française, tout comme par les arbitrages du président Macron en faveur d’une aide active à mourir. 

Ce malaise palpable à Rome ne se limite pas à un petit microcosme. En Afrique, en Amérique latine, en Europe centrale ou encore au Moyen-Orient, beaucoup s’inquiètent de voir la France perdre son aura de pays défenseur des droits humains. En ce sens, les avertissements venus de Rome et du pape François ne sont pas le simple reliquat d’un “folklore” catholique, comme certaines personnalités proches du président semblent le penser, mais bien l’expression des priorités d’une grande partie de l’humanité, qui plutôt que de revendiquer une aide à mourir, voudrait bien qu’on l’aide à vivre.

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