Sur les quais de Seine, les passants se sont arrêtés et lèvent le nez pour contempler le nouveau ballet offert par le chantier de Notre-Dame. Ce vendredi 24 mai, la cathédrale de Paris a retrouvé sa croix de chevet, unique ornement ayant miraculeusement échappé aux flammes ravageuses lors du tragique incendie du 15 avril 2019. Un moment particulièrement symbolique avant la réouverture de la cathédrale prévue le 8 décembre 2024.
Suspendue dans les airs, au bout d'une grue, cette œuvre de Viollet-le-Duc a repris sa place initiale, au sommet de l’abside de la charpente du chœur, veillant de nouveau sur la capitale et ses habitants. Du ciel, une clameur monte : les ferronniers d'art et les couvreurs ayant travaillé à sa restauration se tournent vers les journalistes avec un cri de victoire. En bas, des acclamations mêlées d'applaudissements leur répondent, comme pour remercier le travail acharné de ces artisans qui ont passé plus de 1.000 heures à redéfinir cette croix de deux tonnes, toute cabossée par sa chute.
Lorsqu'elle montera sur le toit, c'est Notre-Dame qui sera invitée à porter nos croix, nos difficultés, nos douleurs. Cette croix nous ouvre les portes de la Vie éternelle.
"C'est un moment hautement symbolique dans l'histoire du relèvement de la cathédrale", assure Philippe Jost, à la tête de l'Établissement public chargé de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. "Il porte en lui une force et une émotion particulières", poursuit-il. Particulières car cette croix, souligne Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, recteur de la cathédrale, "nous rappelle que cet édifice n'est pas un musée", mais qu'il a été "édifié pour l'amour de Dieu". Une odeur douce monte progressivement aux narines : derrière un préfabriqué, posé sur des palettes de chantier, le charbon brûle dans l'encensoir. Mgr Ribadeau-Dumas, revêtu de rouge, s'approche de la croix pour la bénir et l'encenser. "Bénir, c'est dire du bien : je voudrais bénir cette croix, en disant du bien de tous ceux qui ont travaillé à sa réalisation. Dieu dit du bien de cet extraordinaire chantier", affirme le recteur de la cathédrale avant de lire l'évangile selon Jean, "qui nous rappelle le sens de la croix" :
"Car nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé."
La croix, symbole d'amour et de don
Si la croix est avant toute chose un instrument de supplice, signe de souffrance, elle devient avec le Christ le signe du don et de l'amour porté jusqu'au bout, rappelle encore Mgr Ribadeau-Dumas. "Une fois sur le toit, c'est Notre-Dame qui sera ainsi invitée à porter nos croix, nos difficultés, nos douleurs. Cette croix nous ouvre les portes de la Vie éternelle. Elle nous dit que nous sommes faits pour partager un jour l'amour du Père et du Fils dans la joie la plus parfaite."
Killian, ferronnier d'art au sein de l’atelier "Fer Art Forge" de Saint Aubin les Bois (Calvados), est venu assister à la repose de la croix de chevet. Le jeune homme ne cache pas sa fierté. "C'est un bel accomplissement pour moi, en tant qu'artisan, je suis très fier d'avoir pu participer à ce chantier grâce à mon métier", confie-t-il volontiers. Déjà, l'après Notre-Dame se profile : "Je vais continuer mes autres chantiers". Killian marque un temps d'arrêt, puis avec un sourire : "ça va faire vide dans l'atelier. Elle prenait de la place."