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Beaucoup ont appris ces derniers jours la tentative avortée de faire monter sur la grande scène d’Internet un nouveau type de prêtre. Des industriels américains de l’intelligence artificielle imaginaient en effet proposer aux internautes de discuter avec des prêtres virtuels. Father Justin, produit par Catholic Answers, une association catholique d’évangélisation (qui se propose si l’on se fie à son nom de fournir des réponses à toute forme de question) a pu ainsi adresser au monde ses premiers sourires. Mais aussi des premières réponses qui lui ont valu de se retrouver « rétrogradé » au statut de théologien laïc après avoir évoqué la possibilité d’une confession par Internet, ou encore celle d’être plongé dans un baptême où l’eau serait remplacée par une boisson énergétique !
Un réel témoin de l’Esprit
On notera au passage la curieuse ecclésiologie de ces promoteurs d’une nouvelle méthode d’évangélisation, qui réduisent ainsi à l’état laïc un prêtre numérique, dès lors qu’il a professé une stupidité. Comme si, dans l’esprit de ces génies, il était anodin qu’un laïc soit stupide et impossible de tolérer qu’un prêtre puisse l’être. Dieu merci, l’avenir de l’annonce de l’Évangile ne se situe pas dans ces gamineries.
Pourquoi, par exemple, ne pas prendre le temps de faire mémoire de visages de prêtres, de laïcs, de baptisés en somme, qui ont été pour chacun de nous des témoins de ce que l’Esprit peut imprimer de durable et de fort dans le cœur des hommes, voire d’une société ? Ainsi en est-il, me semble-t-il, de Christian Aurenche, prêtre de Paris, jeune médecin ordonné en 1970 et envoyé cinq ans plus tard au Nord-Cameroun à la paroisse de Tokombéré. Il y avait fait la connaissance quelques années plus tôt d’un autre prêtre, Simon Mpeke, plus connu sous le nom de Baba Simon (aujourd’hui vénérable). Monté de Douala en 1959, ce prêtre camerounais s’était installé dans cette région pour y témoigner auprès des villageois adeptes des religions traditionnelles que Jésus était le nom de Celui qui pouvait les aider à découvrir le visage de Dieu.
L’Évangile en actes
Ensemble, ils lanceront des chantiers immenses, aidés par des amis européens et par une population avide d’avancer. Guidés par cette phrase de l’Évangile : « Lève-toi et marche », Christian sera à l’initiative de la création d’un centre de santé réputé dans toute la région, d’une Maison du paysan qui instaure le modèle coopératif. Il apportera un effort considérable à la promotion des femmes et des jeunes filles, ainsi qu’au développement d’un système scolaire local efficace avec des professeurs compétents et formés.
Là, en ce lieu, j’avais vraiment eu le sentiment de voir l’Évangile en actes.
J’ai eu la chance de découvrir ce lieu, Tokombere, lorsque, jeune curé de Saint-Germain-des-Près où il avait été vicaire 35 ans plus tôt, j’étais allé le voir afin de mieux comprendre comment développer le jumelage entre nos deux paroisses. Là, en ce lieu, j’avais vraiment eu le sentiment de voir l’Évangile en actes : il n’était pas d’abord question d’une annonce religieuse mais de la manifestation d’une Bonne Nouvelle. Et celle-ci concernait tout l’homme et tous les hommes, dans tous les aspects : éducatif, économique, santé et bien sûr spirituel. Le samedi matin, des centaines de catéchumènes se pressaient pour la catéchèse traduite par des catéchistes répartis par groupes de dialectes. Une joie, une ferveur inouïe avec au beau milieu la grande silhouette de Christian qui témoignait par sa présence forte et rassurante d’un Évangile qui se faisait un peu plus accessible.
Le cœur tourné vers le Cameroun
Il était le second d’un prêtre local qui avait fait prévaloir le dialogue sur tout discours savant, et la rencontre comme condition pour que la foi se communique. Rien de virtuel ni de numérique dans tout cela : de la chair, de la sueur et surtout un amour immense. Christian est mort le 30 avril à Paris, usé, le cœur encore tourné vers son pays camerounais. Il n’a jamais prétendu avoir réponse à tout, ni cherché à séduire le chaland par des promesses insensées. Il s’est contenté d’être ce qu’il comprenait devoir être pour correspondre à ce qu’il discernait de la présence de Dieu et de l’appel de Jésus. Comme beaucoup d’autres un peu partout sur notre terre, baptisé, il a cherché à aimer. Pudiquement, sans tambour ni trompette, dans ses faiblesses et dans ses grâces. Et c’est bien cela qui construit le Royaume. C’est bien là l’essentiel.
Obsèques