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Tous les chrétiens connaissent ce passage dans le récit de la capture de Jésus au jardin des Oliviers : "Or Simon-Pierre avait une épée ; il la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus" (Jn 18, 10). Or il se trouve que cette épée aurait traversé les siècles, jusqu’à devenir une relique exposée… en Pologne !
C’est en effet dans la cathédrale de la ville de Poznań, grande ville de Pologne à l’ouest de Varsovie, que se trouve un cadre vitré, accroché au mur, dans lequel on peut voir une arme tranchante, sous laquelle une plaque de laiton indique : "Épée de Saint-Pierre. Don du pape Jean XIII au prince Mieszko I, récemment baptisé, offert en 968 par l'intermédiaire de l'évêque Jordan de Poznan".
Cette épée, ou plus exactement ce couperet, car c'est ainsi que l'on classe formellement ce type d'arme, utilisée principalement pour couper les poissons et autres animaux, plus rarement pour le combat au corps à corps, mesure 70,5 cm de long et 9,4 cm de large à son point le plus large. Elle s'élargit vers le bas. Elle est en fer et devait probablement être munie d'un manche en bois, qui n'a pas parvenu jusqu'à nous aujourd'hui.
Le site internet de la cathédrale de Poznań précise toutefois que cette épée est une copie réalisée en 2005, et que l'originale se trouve bien cachée, dans le trésor du musée de l'archidiocèse. Il n’empêche, comment une telle épée est arrivée jusqu’ici ?
Un joyau pour l'Église de Pologne
La réponse se trouve dans un autre document, disposé en dessous de la copie de l’épée. Il s’agit d'une page de la chronique de Jean Dlugosz, un diplomate, historien et prêtre polonais du XVe siècle qui raconte la présence de cette épée en Pologne : "Le pape a ensuite proclamé et institué pour l'Église de Poznań un homme connu pour ses vertus, sa foi et sa religiosité, l'Italien Jordan, d'une noble famille romaine, de la famille et de la maison d'Orsini. Après son ordination et la bénédiction reçue à Rome, le pape lui ordonna, en l'an de grâce 966, de se rendre dans le royaume de Pologne pour y diriger l'Église. Le même pape Étienne, afin de rendre les débuts de la Jordanie plus agréables pour le clergé et le peuple de Pologne, lui donna l'épée de saint Pierre, avec laquelle l'apôtre aurait coupé l'oreille de Malchias dans le jardin des Oliviers, peut-être la même épée, ou peut-être une autre, et la bénit en souvenir d'un acte aussi splendide de l'apôtre, afin que l'Église de Pologne ait un joyau ouvert dont elle puisse s'enorgueillir (...). Aujourd'hui encore, cette même épée est tenue en fervente révérence dans l'Église de Poznań."
Grâce à cet historien, on connaît donc pourquoi l’épée de saint Pierre est arrivée à Poznań, mais reste de nouvelles questions : est-ce bien l’originale et comment se fait-il qu’elle soit si peu connue, des Polonais eux-mêmes ?
Une épée tombée dans l’oubli
Dans des archives des XVIIe et XVIIIe siècles, il a été confirmé que cette relique était bel et bien conservée dans la cathédrale de Poznań, et qu’elle était même portée en procession et montrée à la population lors de festivités importantes, notamment à l'occasion de la fête de saint Pierre et saint Paul. Mais à la fin du XVIIIe siècle, l'évêque des lieux, Mgr Ignacy Krasicki, probablement influencé par le scepticisme des Lumières, aurait interdit l'exposition de l'épée en public, et au fil des ans, puis des siècles, elle fut de moins en moins exposée, jusqu'à tomber dans l'oubli.
Un oubli réel dont une photographie prise en 1945, dans la sacristie de la cathédrale, apporte une nouvelle preuve. On y voit les effets du pillage opéré par les Allemands : des boîtes, des caisses et des tubes vidés et éparpillés, d'où les occupants ont retiré divers objets de valeur. Au-dessus de cet amas désordonné, l'épée de saint Pierre est-elle bien accrochée au mur dans une vitrine, ne suscitant manifestement pas l'intérêt des pilleurs ! Il faudra attendre le milieu des années 1980 pour que l'épée soit transférée au musée par son directeur de l'époque, le chanoine Stefan Tomaszkiewicz. C'est à son initiative que l'objet va être soumis à des traitements de conservation et à des études.
Ainsi, des recherches sur la forme et le type d'alliage du couperet, vont être menées par les scientifiques du musée de l'armée polonaise de Varsovie. Selon eux l'objet a bien été forgé au premier siècle de notre ère, aux confins orientaux de l'Empire romain. Mais les historiens demeurent cependant plus prudents dans l'évaluation de l'âge de l'arme et sont plus enclins à penser qu'il s'agirait d'une copie médiévale. Copie ou pas, il s’agit d’un beau symbole pour l’Église polonaise qui aime à redécouvrir son patrimoine religieux, à commencer par ce "joyau dont elle puisse s'enorgueillir".