Profitons de ce dimanche du Bon Pasteur pour nous interroger sur notre capacité à donner : avec quelle mesure donne-t-on à ceux qui nous entourent ? À quel point suis-je prêt à donner de ma personne ou à renoncer à mon propre confort pour le bien de quelqu’un d’autre ? Objectif : tenter d’avoir une attention particulière sur cet aspect de nos vies tout en mettant en regard la vie et les enseignements du Christ, lui le Bon Berger qui dépose sa vie pour ses brebis.
La mesure du don divin
Lorsque nous entendons le grand commandement du Christ — aimer Dieu de tout son être et son prochain comme soi-même — nous n’avons pas toujours bien conscience que cela nous engage à donner. Si nous contemplons l’exemple de Jésus, comme si nous étions l’un de ses disciples, en nous faisant observateur, et surtout élève auprès de lui, nous pouvons commencer à saisir la mesure du don qu’il a fait de lui-même pour nous. Nous touchons alors du doigt la radicalité de son amour.
Que nous disent les Évangiles de la mesure du don du Christ pour nous ? Le Seigneur porte le témoignage de son amour pour nous jusqu’au bout ; jusqu’à prendre sur lui chacune de nos offenses, jusqu’à accepter l’amère coupe de l’injustice absolue, jusqu’à supporter et pardonner l’abandon de tous ses amis et la haine de ses ennemis, jusqu’au sentiment de solitude le plus extrême, jusqu’à la torture, l’humiliation, la mort sur la croix. Et que nous disent les Évangiles de la mesure du don de ceux qui entourèrent le Christ ? Prenons l’exemple de Marie et Joseph. Ils donnent à Jésus bien plus que ce qu’ils sont en mesure de lui donner. Elle est une toute jeune fille et lui un simple charpentier. Tous deux sont pauvres et sans aucun pouvoir. Ce sont eux, qui sont choisis pour élever le Fils de Dieu. Ils lui donnent ce qu’ils sont sans réserve. C’est si peu pour recevoir Dieu et pourtant c’est suffisant. L’enfant Jésus ne manquera de rien : l’amour, la sécurité et la protection, le soutien, la confiance absolue, la joie. Rendons-nous compte, c’est à Dieu lui-même qu’ils donnent ! Imaginons l’immensité de ce que ce don peut signifier pour leur humanité, leur inquiétude, leur foi et leur amour infiniment plus grand que l’homme.
Évaluer la mesure de notre don
Que nous disent les Évangiles de la mesure du don de personnes qui croisèrent le chemin du Christ ? Prenons l’exemple de la pauvre veuve, elle qui donne ses deux petites pièces au trésor du Temple. Elle aussi donne bien plus que ce qu’elle peut donner. Elle n’a pas de superflu, elle ne donne pas parce qu’elle a assez. Elle donne ce qu’elle n’a pas. "Elle donne tout ce qu’elle avait pour vivre" et fait confiance au Seigneur pour le reste. Comprenons bien ce que cela nous dit de sa confiance en Dieu.
Peut-on aimer ceux qui nous entourent à temps partiel ? Peut-on aimer quand on a le temps ? ou quand on a envie ? Peut-on donner mais pas trop ?
Et nous aujourd’hui ? Peut-on évaluer la mesure de notre don ? Un médecin qui assiste à un accident continue-t-il son chemin sans prêter secours parce qu’il est sur la route des vacances ? Une mère ignore-t-elle les pleurs d’un petit enfant parce qu’elle doit se lever tôt pour travailler le lendemain ? Un prêtre refuse-t-il de se déplacer pour dire la messe à une poignée de fidèles ? Une fille refuse-t-elle à son père âgé le plaisir de raconter une anecdote familiale maintes fois entendue ? Un passager du métro tourne-t-il les yeux ailleurs lorsqu’il s’agit de porter secours à quelqu’un qui est importuné ? Peut-on aimer ceux qui nous entourent à temps partiel ? Peut-on aimer quand on a le temps ? ou quand on a envie ? Peut-on donner mais pas trop ? Ou seulement à ceux qui le "méritent" ? Peut-on faire l’économie de ce don parce qu’on est débordé ? Peut-on décider de ne pas répondre à l’appel de son prochain parce qu’on en fait déjà assez ? Peut-on juger nous-même que ce que nous faisons est suffisant… ?
Se donner au-delà de ses limites
Ce n’est jamais un luxe de se poser des questions de cet ordre. Il est vrai que la frénésie de nos journées bien remplies et l’éloignement de la "bergerie" peut nous faire perdre le sens des priorités parfois, et la routine bien installée, nous endormir. Bien souvent nous attendons la survenue d’un évènement bouleversant pour nous interroger. Mais que faut-il pour nous réveiller dès maintenant ? Pensons à ce bon berger qui laisse quatre-vingt-dix-neuf de ses brebis pour aller chercher la seule qui s’est perdue. On ne peut pas laisser une âme qui a soif sans eau alors que nous connaissons la source. "J’avais soif et tu m’as donné à boire" (Mt 25, 35). L’Évangile est un cri dans ce sens et nous ne savons bien souvent plus l’entendre.
Nous sommes pourtant attendus dans le don au-delà de nous-même, c’est-à-dire au-delà de notre humanité, au-delà de notre tendance à l’égoïsme, à la méfiance ou au repli sur soi. Il faut bien cela pour aimer comme le Christ. Et c’est bien ce vers quoi nous devons tendre. Courage ! nous sommes tous devant ce même défi. "Ne retenez pour vous rien de vous, afin que vous reçoive tout entiers Celui qui se donne à vous tout entier" (saint François d’Assise).