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Une guerre ne chasse pas l’autre : les conflits s’empilent et se superposent. L’attentat du Crocus City Hall, salle de concert de la banlieue de Moscou, témoigne de la permanence du danger islamiste et des actes terroristes menés en Europe. Près de 200 morts, des centaines de blessés, une attaque à l’arme de guerre, un bâtiment incendié, un choc qui a dépassé les frontières russes, rappelant en France le souvenir douloureux des attentats du Bataclan.
La Russie a déjà connu des actions terroristes meurtrières : prise d’otages à l’école maternelle de Beslan (2004) qui a causé 334 morts, prise d’otages dans un théâtre de Moscou (2002) se soldant par 180 morts dont 50 terroristes. La Russie est le pays d’Europe qui a payé le plus lourd tribut à ces attaques terroristes et l’action de ces derniers jours a démontré que le problème n’était pas réglé.
Nature du terrorisme
Le propre du terrorisme est de terroriser. Le nombre de victimes n’est pas l’objectif final recherché. Ce qui compte, c’est que l’objectif ciblé, la stupeur engendrée, provoque une sidération qui sème l’effroi dans le pays. Le but est de provoquer la terreur afin de contraindre le pouvoir politique à mener les actions que l’on souhaite lui voir mener. À ce titre, il n’y a pas de mouvement ou de groupe terroriste, mais des mouvements ou des groupes qui font usage du terrorisme, cette arme n’étant souvent qu’un instrument parmi d’autres dans leurs panels d’actions possibles.
S’il est encore trop tôt pour connaître l’ensemble des complicités et des tenants et aboutissant de cette attaque, il semble désormais certain que l’attaque a été menée par des groupes islamistes cherchant à punir la Russie pour les actions conduites contre eux. Que ce soit en Tchétchénie ou en Asie centrale, cela fait plusieurs années que Moscou lutte contre ces groupes qui ont déjà commis de très nombreux attentats en Russie. Et cela même si Moscou a pu s’allier avec des groupes islamistes en Syrie et dans le Caucase.
Un même ennemi : l’Europe chrétienne
Si les Russes et les autres Européens sont ennemis et adversaires depuis l’invasion de l’Ukraine, cette attaque rappelle qu’aux yeux des islamistes tous les Européens chrétiens sont des ennemis. Or en matière politique il y a toujours nécessairement un ennemi. Soit c’est nous qui le désignons, soit c’est lui qui nous désigne. Les Occidentaux ont longtemps voulu vivre dans l’illusion de la paix perpétuelle et de l’absence d’adversaire, ce mythe est désormais effondré.
Les islamistes savent qu’ils ne pourront pas bâtir un grand califat mondial, ce projet a échoué, notamment avec l’État islamique. Mais ils peuvent attaquer par cible, affaiblir, épuiser afin de maintenir une pression sociale et terroriste pour affaiblir les États. L’Ukraine a longtemps été un lieu de refuge de djihadistes qui, à partir de ce pays, ont mené des opérations dans le reste de l’Europe, comme le rappelait Le Point en 2019, citant le quotidien britannique The Independant. L’enquête dira, peut-être, si les terroristes du Crocus Hall ont agi seuls ou avec l’accord plus ou moins marqué de départements des services ukrainiens. Si tel était le cas, cela abîmerait encore plus les relations entre Kiev et Moscou.
Une guerre de civilisation
L’autre enjeu est bien évidemment pour l’Europe et pour la France. Si les islamistes ont été capables de frapper de cette façon-là à Moscou, alors même que le pays est dans une vigilance accrue, une attaque ailleurs par d’autres branches djihadistes est tout à fait possible. Chacun pense bien sûr aux JO, qui demeurent le Graal de tous djihadistes. Si un groupe parvient à y réaliser un attentat, il gagnera en renommée et en assise politique. Pour eux aussi il y a une médaille d’or à décrocher, ce qui va mettre les services de sécurité français en forte tension.
Attaquer pour déstabiliser un régime politique, pour perturber une élection, pour semer la terreur et le doute.
À défaut de pouvoir gagner, les djihadistes vont faire ce qu’ils savent si bien faire : attaquer de façon violente afin de déstabiliser le pays, comme en Espagne avec l’attentat de la gare d’Atocha (2004), à Londres ou ici à Moscou. Attaquer pour déstabiliser un régime politique, pour perturber une élection, pour semer la terreur et le doute. Pour eux, c’est bien un unique adversaire qui est visé et, que cela nous plaise ou non, c’est bien dans une guerre de civilisation qu’ils s’inscrivent.