Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
J’ai assisté il y a quelques jours à ce qui sera probablement un des derniers concerts de Michel Sardou. Ambiance intense, tonalité particulière. De nombreux fans viennent dire au-revoir à cette star qui leur est si chère. Et peut-être même Adieu.
Après un medley des tubes les plus iconiques de l’artiste, et en contraste avec les rythmes dynamiques qui viennent de s'enchaîner, le regard du chanteur s’assombrit, tout comme les éclairages massifs de l’immense salle de concert entièrement remplie. Voix grave, tremblante, vibrante, Michel Sardou prononce les premières paroles d’une chanson qui s’annonce plus émouvante, plus éprouvante et que le piano viendra bientôt soutenir de ses notes réconfortantes : "Elle a des cerises sur son chapeau, la vieille. Elle se fait croire que c'est l'été."
Cette chanson méconnue, sortie en 1976, s'intitule précisément "la vieille" et est issue de l’album du même nom. L'artiste y décrit le portrait touchant d’une dame qui a 100 ans, "qui ne fait plus partie du temps", qui affectionne son chapeau à cerises et les photos de ses petits enfants. Je n’ai pas compris immédiatement pourquoi cette chanson a soulevé en moi une émotion inattendue, me faisant ravaler un petit sanglot avant de m'époumoner sur les lacs du Connemara.
Rentrée chez moi, j’ai relu les paroles de cette musique qui m’avait rejoint d’une manière particulière. Et j’ai été saisie par le regard que l'interprète, parolier et compositeur, pose sur cette réalité parfois si décriée et dénigrée qu’est la vieillesse. Particulièrement en cette période où l’on questionne beaucoup le sens de la fin de vie, avec la tentation gouvernementale d’abréger cette période qui nous semble en apparence dénuée d’utilité.
La vieille en question dans notre chanson "se fait croire que c'est l'été : au soleil, on s'sent rassuré". Car "Il paraît qu'la dame à la faux, c'est l'hiver qu'elle fait son boulot". Michel Sardou évoque avec justesse l’angoisse très saine et très humaine que chacun peut ressentir à la perspective de la mort, et le souci de la mettre à distance. Tout en reconnaissant, que passé un certain cap, "c’est pas qu’on tienne tant à la vie", et que le désir d’en finir peut être lui aussi très naturel. Mais cette vieille en question, nous rappelle-t-on dans la chanson, a "des manies": elle "aime son fauteuil et son lit, même si le monde s'arrête ici".
Les petites choses simples de la vie
Le chanteur de 77 ans nous indique par une simplicité déconcertante, mêlée à une tendre bienveillance, que les petites choses simples de la vie et du quotidien peuvent reprendre le dessus sur toute velléité de mourir.
Elle "a des souvenirs bien rangés, comme ses draps, ses taies d'oreillers", cette vieille. Des souvenirs de valse, de mariage, de guerre et "de son feu héros". "Elle a sa famille en photos" "y a les p'tits enfants des enfants et les enfants des p'tits enfants".
Et si en apparence tout pousserait notre centenaire à vouloir en finir - le veuvage, "la peau froissée comme un journal du temps passé" et l’absence des proches "qui ont pas l'temps, qu'habitent pas là"- celle-ci choisit de porter un chapeau à cerises, de mettre à distance la mort qui surgit en hiver et de "s'faire croire que c'est l'été".