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Dans son audience générale du 15 juin 2011, le pape Benoît XVI évoque le prophète Élie comme figure exemplaire de l’homme de prière. Pour cela, il s’appuie sur le célèbre épisode de son duel avec les prophètes de Baal sur le mont Carmel. Rappelons brièvement le contexte de histoire. Nous sommes au IXe siècle avant Jésus-Christ, dans le royaume du Nord — après le schisme qui a vu la partition du royaume de Salomon —, au temps du roi Achab. Las du Dieu invisible et mystérieux qui a fait Alliance avec lui, le peuple hébreu se crée un syncrétisme en adoptant, à côté du Seigneur, une divinité plus prévisible et à portée de main : l’idole Baal dont il pense qu’elle pourvoira au don de la pluie et à la fertilité du sol. Contre cette idolâtrie se dresse Élie. Afin de ramener le peuple au Seigneur, il convoque celui-là sur le mont Carmel et met au défi les faux-prophètes de Baal. L’idole de ces derniers reste impuissante à mettre le feu à l’autel. Élie, de son côté, réussit après avoir prié son Dieu (1 R 18, 20-40).
La prière, un service inspiré par Dieu
Benoît XVI tire plusieurs enseignements de la prière d’Élie dans cet épisode. Il remarque d’abord que le prophète se définit comme un serviteur de Dieu : "Que l’on sache que je suis ton serviteur et que c’est par ta parole que j’ai fait toutes ces choses" dit-il (1 R 18, 36). Par cette confession, Élie affirme qu’il n’a rien fait par lui-même mais qu’il a obéi à une inspiration divine. Nous aussi, quand nous prions, soyons assurés que Dieu nous devance et que c’est Lui qui nous a inspiré la prière que nous Lui adressons. "Élie, à travers son intercession, demande à Dieu ce que Dieu lui-même désire faire : se manifester dans toute sa miséricorde" affirme Benoît XVI. En réfléchissant sur les paroles d’Élie, nous prenons conscience que nos prières représentent des relais en ce monde de la volonté de Dieu. En tant que priants, à l’instar d’Élie, nous sommes des serviteurs de Dieu. La prière, même personnelle, est un service d’Église au même titre que les œuvres caritatives.
Prier pour la conversion des cœurs
Benoît XVI relève ensuite que c’est le souci de la conversion du peuple, c’est-à-dire de son retour à Dieu, qui a motivé la prière d’Élie : "Que ce peuple sache que c’est toi, Seigneur, qui es Dieu, que c’est toi qui ramènes vers toi le cœur de ton peuple" (1 R, 18, 37). Nous aussi, à l’humble place qui est la nôtre, nous pouvons avoir la même efficacité que le prodigieux prophète d’Israël lorsque nous prions afin que les cœurs reviennent à Dieu. Cette conversion n’est pas option facultative car l’idolâtrie est source d’égoïsme alors que la conversion nous ouvre à l’amour de Dieu et nous décentre de nous-mêmes. Benoît XVI en voit le signe indubitable dans l’attitude des prophètes de Baal sur le mont Carmel. Par leurs gestes censés avoir un pouvoir sur leur pseudo-divinité, ils démontrent en fait qu’ils ne font confiance qu’à eux-mêmes au lieu de s’ouvrir à l’altérité représentée par le Dieu unique. À ce propos, le Saint-Père remarque qu’à la différence des idolâtres, Élie demande au peuple de s’approcher de l’autel de façon à l’impliquer dans sa propre invocation du Seigneur (verset 30). Ce détail révèle que la prière pour la conversion des cœurs ne fait pas l’impasse sur la liberté des personnes. La prière, ce n’est pas de la magie.
La prière pour la vérité
Benoît XVI souligne enfin que la prière d’Élie s’inscrit dans son combat pour la vérité qui a été le motif essentiel de sa supplication. Le prophète s’est adressé à Dieu et L’a prié afin de Se manifester comme le Dieu qui a fait alliance avec son peuple et ainsi comme le vrai Dieu. Plus fondamentalement encore, Élie en appelle à la fidélité du Seigneur, c’est-à-dire à ce qui fait la vérité profonde de son Être. Il ne suffit pas de savoir que Dieu existe, encore faut-il confesser sa miséricorde. Or, c’est ce fit Élie en L’appelant le Dieu des Pères, "Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël", "faisant ainsi mémoire de façon implicite des promesses divines et de l’histoire d’élection et d’alliance qui a uni de façon indissoluble le Seigneur à son peuple" (Benoît XVI). Cette appellation par laquelle Élie interpelle Dieu nous apprend qu’il n’est pas interdit dans nos prières de faire mémoire de la fidélité de Dieu qui constitue la vérité miséricordieuse de son Être, ainsi qu’en témoigne le Magnificat de la Vierge Marie. Connaître la vérité de Dieu n’est pas bon seulement pour l’intellect mais aussi pour appuyer nos doléances et nos supplications au Seigneur ! L’exemple du prophète Élie est une illustration parfaite de cette dimension de la pratique de la prière.