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Aide à mourir : “Une révolution d’humanité et de fraternité” ?

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Agnès Pinard Legry - publié le 11/03/24
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"Une vraie révolution d’humanité et de fraternité en action", c’est ainsi qu’Emmanuel Macron a qualifié le projet de loi sur l’aide à mourir présenté par voie de presse le 10 mars. Parce que les mots ont un sens et qu’ils portent en eux une espérance, on ne peut les employer pour décrire le contraire. Décryptage.

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"Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde", avait un jour déclaré l’écrivain Albert Camus. Le malheur du monde vient aujourd’hui de s’accroître. Emmanuel Macron a présenté le 10 mars dans une interview à La Croix et à Libération le projet de loi sur "l’aide à mourir". Expression valise, vidée de son sens pour désigner tour à tour l’euthanasie et le suicide assisté. Allant même plus loin, le président de la République l’assure : "Les mots ont de l’importance et il faut essayer de bien nommer le réel sans créer d’ambiguïtés. Cette loi, nous l’avons pensée comme une loi de fraternité, une loi qui concilie l’autonomie de l’individu et la solidarité de la nation." Le terme fraternité apparaît ainsi à trois reprises dans cet entretien, et celui d’humanité à deux reprises. Une confusion qui n’a pas manqué de faire réagir l’Église, qualifiant ces propos de "dissimulation" et de "tromperie".

Mais qu’est-ce que cela signifie vraiment ? La "fraternité" inscrite avec fierté sur le fronton des mairies traduit ce lien de solidarité et d’amitié entre les êtres humains qui nous porte à les regarder comme nos frères et nos sœurs, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. Mais cette fraternité à laquelle le Christ appel chacun est aussi une attitude exigeante. Dans le Nouveau Testament, cet appel à l’amour fraternel retentit avec force : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Ga 5, 14) ; "Celui qui aime son frère demeure dans la lumière et il n’y a en lui aucune occasion de chute. Mais celui qui hait son frère est dans les ténèbres" (1 Jn 2, 10-11); "Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort" (1 Jn 3, 14).

"Qu’as-tu fait de ton frère ?"

"Là où la solidarité se décrète, la fraternité se reçoit. Alors que la solidarité se définit un périmètre, la fraternité nous précède, sans distinction", expliquait avec justesse la philosophe Jeanne Larghero. "Ainsi, à chacun de nous est posée la question que Dieu adressa à Caïn : "Qu’as-tu fait de ton frère ?" Voilà exactement le sens de la fraternité, réalité chrétienne devenue valeur républicaine." Qualifier le projet de loi sur "l’aide à mourir" de "loi sur la fraternité" alors qu’il prévoit d’autoriser à injecter une substance létale à son prochain, à de quoi interpeller.  Est-ce ainsi que je souhaite aider et aimer mon prochain, mon frère ?

L’autre mot dévoyé dans ce projet de loi est celui d’humanité. L’humanité a ainsi deux définitions. Il s’agit d’une part du caractère de ce qui est humain comme la nature humaine par opposition à "divinité" ou "animalité", et d’autre part du sentiment de bienveillance, de compassion envers autrui. Là encore le rapport entre le projet de loi et l’humanité interroge. L’humanité, la compassion, est une "lentille du cœur qui te fait voir les réalités comme elles sont", au lieu de tourner la tête ou de tomber dans l’indifférence.  C’est ce "“sacramental” de la proximité de Dieu avec nous qui n’abandonne personne au bord du chemin", expliquait ainsi le pape François. Et de conclure que la compassion "n’est pas un vague sentiment, mais signifie prendre soin de l’autre jusqu’à en payer le prix soi-même." Prendre soin jusqu’au bout, jusqu’au dernier souffle de vie.

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