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IVG dans la Constitution : le couvercle sur la mémoire des corps

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Arnaud Bouthéon - published on 04/03/24
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L’avortement est toujours un drame dont la mémoire reste inscrite dans le corps des femmes. C’est cette mémoire douloureuse, dénonce Arnaud Bouthéon, que l’on voudrait effacer en faisant de ce drame un droit.

La décision de mettre un terme à une grossesse n’est rien sauf un acte anodin et encore moins joyeux. L’avortement est toujours un drame et restera toujours un drame, affirmait avec gravité Simone Veil à la tribune de l’Assemblée nationale. Il est étrange que ce rappel soit étouffé en ce jour. Aussi, c’est un mélange de consternation et de tristesse qui nous étreint. Si l’avortement est un drame, le bon sens conduit à éviter les drames, pas à les célébrer. Il conduit à les prévenir, pas à les inscrire dans le marbre d’une constitution.

Le droit au drame

Les responsables politiques, élus par la nation pour répondre aux angoisses prioritaires des Français, apaiser les craintes, unifier le pays et préparer l’avenir, pourraient s’unifier pour trouver les alternatives à ce drame : prévention, accompagnement, adoption, solidarité. On préfère l’idée à la réalité, l’emphase à la discrétion. Alors, nos élus se sont retrouvés ce lundi 4 mars 2024 à Versailles pour inscrire dans la Constitution le droit — dites « liberté garantie » — au drame, en écho, ironie de l’histoire, à un autre principe préalablement inscrit, celui de la précaution.

Par un lyrisme cocardier, notre pays se placera dès ce soir à l’avant-garde du progrès, des droits humaines universels, à grand coup de moraline autour de la liberté et du progrès. Et demain, cette menace sur la liberté de conscience et d’expression. Les manœuvriers politiques auront réussi leur coup. À court terme.

La mémoire des corps

Le corps social d’un pays est comme le rassemblement de millions de corps humains des citoyens qui le composent. Depuis plus de cinquante ans, plusieurs millions de ces corps de femmes auront été marqués charnellement par ce drame de l’avortement. Le débat semble clos mais il revient régulièrement, tel un fantôme, hantant notre conscience collective. Il ressurgit à l’instar d’un lourd secret de famille que l’on préfère enfouir bien profond. Drame de l’intime et du silence, de l’abandon, de la précarité et de la solitude, de la lâcheté des hommes, de la convention bourgeoise, de l’égoïsme mercantile et bientôt, de l’ignorance. L’avortement est un drame et restera toujours un drame.

Toutes les réflexions autour du sport l’attestent. Les atteintes au corps et à l’esprit laissent des inscriptions mémorielles de l’évènement qui affecte notre personne, dans son unité.

Certains voudraient vivre pourtant dissociés et nier l’unicité de la personne. Je joue avec mon corps, tel un objet extérieur et j’en exclus une personne, telle une tumeur ou un abcès. Or je suis mon corps, ma personne demeure unifiée : corps, esprit et âme. Toutes les réflexions autour du sport l’attestent. Les atteintes au corps et à l’esprit laissent des inscriptions mémorielles de l’évènement qui affecte notre personne, dans son unité. L’analyse des emprises sectaires atteste aussi des blessures spirituelles durables de ces drames. L’accompagnement des victimes d’abus sexuels permet de mesurer chaque jour les ravages et les traumatismes encore vivaces de ces attaques dans la mémoire des corps et l’équilibre psychique des personnes. À l’heure où l’on constate avec soulagement la libération de la parole et l’avènement de la vérité autour des abus, au sein d’institutions protégées (Église, milieux culturels et artistiques), il nous faudrait désormais poser un immense couvercle lourd et hermétique sur un acte dramatique, affectant le corps des femmes et mettant un terme à une vie à naître. 

Le sceau de la paresse

La vie est difficile et c’est dans le difficile de la vie que la solidarité surgit, dans l’adversité et dans le risque, face au sanctuaire de toute personne humaine, de son droit de vivre et de son devoir d’aider à vivre ou survivre. En fuyant le réel, nous préférons le nier et l’enfouir, pour mieux pérorer, en surface. L’inscription de l’IVG dans la Constitution est marquée, outre l’idéologie et le cynisme partisan, du sceau de la paresse. Le débat n’en sera jamais clos pour autant. On ne peut écraser sous le marbre le cri de la vérité qui triomphe toujours du mensonge. La culture de mort ne prévaudra pas sur les force de solidarité et de vie.

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