Les catholiques se préparent au Nicaragua à vivre à nouveau un carême douloureux, entravé par les multiples restrictions du régime de Daniel Ortega. Comme l'an dernier, les processions du chemin de croix qui ont habituellement lieu le vendredi dans les rues ont été interdites en extérieur. Elles ne pourront se tenir que dans les enceintes ou autour des églises, et ne défileront pas dans les villes.
Selon l'avocate en exil Martha Molina, ce sont plus de 400 chemins de croix qui sont ainsi empêchés de descendre dans les rues cette année. Seuls certains diocèses ont reçu une autorisation pour permettre à certaines processions de sortir des églises, tout en restant dans le quartier à proximité, les enjoignant de ne pas dépasser une certaine limite. Toujours selon Martha Molina, la plupart des prêtres auraient cependant reçu la visite de policiers pour les informer qu'ils ne sont pas autorisés à quitter les églises, "même si certains de leurs diocèses le sont".
Les scouts bientôt interdits
Outre l'interdiction des processions, les autorités nicaraguayennes continuent à restreindre autant que possible l'ensemble des activités de l’Église. Dix organisations majoritairement catholiques ont été accusées d'irrégularités administratives et financières, révèle ainsi le journal espagnol La Gaceta, parmi lesquelles l'Association des scouts du Nicaragua, qui a vu sa personnalité juridique annulée. Cette annulation touche aussi, entre autres, l'association catholique de la Fraternité Missionnaire du Fiat de Marie. Seize autres ONG, dont dix catholiques ou évangéliques, avaient déjà été prises pour cible le 16 janvier 2024, rapporte Vatican News. Ces dissolutions touchent également les communautés religieuses, à l'instar des franciscains, dont la personnalité juridique a été annulée en octobre 2023. Pour Noël et lors de la fête de l'Immaculée Conception, les crèches vivantes et les processions avaient aussi été interdites dans le pays.
Ces différents actes hostiles du pouvoir à l'égard de l'Église catholique s'accompagnent de persécutions plus violentes, notamment envers les prêtres et les évêques, victimes d'arrestations arbitraires. L'exemple le plus emblématique est celui de Mgr Rolando Alvarez, arrêté en août 2022 et condamné en février 2023 à 26 ans de prison après avoir exprimé à plusieurs reprises son désaccord avec le régime Ortega. Il a finalement été expulsé du pays à la suite d'un accord entre le Nicaragua et le Saint-Siège, avec une dizaine de prêtres et un autre évêque.
L'Église, "caillou dans la chaussure" de Daniel Ortega
L’Église catholique est considérée par le pouvoir comme le soutien majeur des opposants politiques au régime Ortega, notamment depuis l’année 2018 après les représailles sanglantes contre les manifestants qui réclamaient la démission aussi bien du président que de son épouse, la vice-présidente Rosario. Considérés comme un facteur de déstabilisation, les catholiques constituent, du point de vue du gouvernement, une menace de premier ordre. "L’Église catholique est un caillou dans la chaussure de Daniel Ortega", a ainsi récemment affirmé l'avocate Martha Molina dans un entretien à Aleteia. "Lorsque lui ou son épouse regardent un évêque ou un prêtre, ils ne voient pas un homme de foi mais un soldat qui part en guerre. L’Église est le pire ennemi du gouvernement d’Ortega."