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La nouvelle sonne comme un coup de tonnerre en ce 16 février 2024 : Alexeï Navalny, l’opposant le plus connu de Vladimir Poutine est mort en prison. Un de plus s’ajoutant à la longue liste des opposants assassinés. 47 ans, avocat devenu blogueur, youtubeur, organisateur de manifestations, militant anti-corruption, Navalny est devenu le leader de l’opposition en Russie. Il a mené une croisade contre la corruption du régime du Kremlin, dénonçant le manque de transparence des sociétés pétrolières et gazières russes, et la manière dont Vladimir Poutine s’est considérablement enrichi.
Une première tentative d’empoisonnement
Alexeï Nalvalny s’est fait connaître en présentant sa candidature à la mairie de Moscou la veille d’une première condamnation par le régime. Alexeï Navalny est arrivé en deuxième position, une performance impressionnante face au maire sortant, qui bénéficiait du soutien de la machine politique de Vladimir Poutine. La popularité d’Alexeï Navalny a grimpé en flèche après qu’un autre homme politique charismatique, Boris Nemtsov, a été abattu sur un pont près du Kremlin en 2015. Puis son opposition s’est élargie, passant d’une focalisation sur la corruption à une critique générale du système politique sous Vladimir Poutine. Alexeï Navalny a joué un rôle central dans les manifestations d’une ampleur sans précédent contre les résultats douteux des élections nationales et l’exclusion des candidats indépendants.
Il est victime d’une première tentative d’empoisonnement en 2019 alors qu’il purge une peine de prison. Un an plus tard, lors d’un vol vers Moscou de retour de la ville sibérienne de Tomsk où il venait de rencontrer des candidats de l’opposition, il tombe gravement malade au point de s’effondrer. Ayant réussi à rejoindre l’Allemagne, ses médecins confirment qu’il a été empoisonné avec un agent neurotoxique, le Novichok. Après deux semaines de coma artificiel, ayant choisi de braver le pouvoir en retournant en Russie, il est arrêté et condamné à deux ans et demi de prison, qui seront transformés en neuf ans, puis récemment à 19 ans. Sa peine est allongée pour "extrémisme" ; il est de plus été envoyé dans une prison au fin fond de l’Arctique russe. Vendredi 16 février, lors d’une promenade, bien qu’il ait été vu en forme la veille, il perd soudainement connaissance, selon le service pénitentiaire fédéral. La cause du décès serait "en cours d’investigation"… Alexeï Navalny savait que le Kremlin cherchait à l’éliminer. Il avait déjà tenté de le faire deux fois.
"Je suis devenu chrétien"
Alexeï Navalny avait sa part d’ombre, avec un passé nationaliste qui a pu parfois tendre vers une forme de racisme, en particulier envers les minorités tchétchènes musulmanes. Mais sa pensée a évolué et rendre honneur à Alexeï Navalny, c’est aussi reconnaître comment sa conversion et sa foi récente ont pu animer son engagement comme résistant de la liberté. "Hourra ! Le Christ est ressuscité. La vie et l’amour ont gagné", publiait-il pour la fête orthodoxe russe le 2 mai 2021, depuis la colonie pénitentiaire où il était emprisonné. "Je salue tout le monde : les croyants (que je suis maintenant), les non-croyants (que j’étais) et les athées (que j’étais également)." Ou encore, devant ses juges, lors de son procès en 2021 : "Le fait est que je suis devenu chrétien… Il y a moins de dilemmes dans ma vie, parce qu’il y a un livre dans lequel, en général, il est plus ou moins clairement écrit ce qu’il faut faire dans chaque situation. Il n’est pas toujours facile de suivre ce livre, bien sûr, mais je m’y efforce. Ainsi, comme je l’ai dit, il est probablement plus facile pour moi que pour beaucoup d’autres de m’engager en politique."
"Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés" (Mt 5, 6), citait Navalny lors de son procès : "J’ai toujours pensé que ce commandement particulier était plus ou moins une instruction d’activité. Ainsi, même si je n’apprécie pas vraiment l’endroit où je me trouve, je ne regrette pas d’être revenu en Russie, ni ce que je fais. Tout va bien, parce que j’ai fait ce qu’il fallait. Au contraire, j’éprouve une réelle satisfaction. Parce qu’à un moment difficile, j’ai fait ce qui était demandé par les instructions et je n’ai pas trahi le commandement."
Tester l’Occident
L’assassinat d’Alexeï Navalny laisse un vide. Sa figure d’opposant numéro un libéral apparaît pour l’instant irremplaçable. Vladimir Poutine le sait bien ; c’est pourquoi il n’a cessé de chercher à éliminer tous ses opposants, les uns après les autres. Ayons une pensée pour ceux qui continuent de purger des peines comme Vladimir Kara-Mourza, condamné à 25 ans de prison dans une colonie pénitentiaire en Sibérie, ou pour le sociologue Boris Kagarlitsky, intellectuel de gauche, condamné récemment à cinq ans de prison. Pourquoi avoir choisi d’éliminer Alexeï Navalny maintenant ? À chaque fois, le chef du Kremlin teste l’Occident. Ni les États-Unis ni l’Europe n’ont réagi fortement à l’annexion de la Crimée, alors il a compris qu’il pouvait avancer ses pions et attaquer l’Ukraine. L’extension de la condamnation de Navalny à 19 ans de prison et son envoi dans une colonie pénitentiaire en Arctique n’a pas suscité de grandes réactions. Sans doute l’a-t-il interprété comme le signe qu’il pouvait aller plus loin. La voie était libre pour l’éliminer avant les élections russes de mars. Au-delà des paroles véhémentes de Joe Biden ou d’Emmanuel Macron, quelle va être la réaction de l’Occident ? La réponse doit être bien pensée car faute de réaction, à coup sûr, Vladimir Poutine, en fin stratège, comprendra que plus rien ne peut l’arrêter pour aller plus loin dans son aventure expansionniste !
Faim et soif de justice
Gardons présent en nous le message adressé par Alexeï Navalny dans une vidéo au peuple russe en 2022 : "Vous n’avez pas le droit d’abandonner. S’ils décident de me tuer, cela veut dire que nous sommes incroyablement forts... Nous ne mesurons pas combien nous sommes forts. La seule chose nécessaire au triomphe du Mal est que les gens de bien ne fassent rien. Alors ne soyez pas passifs…" Et en toute chose, méditons ces paroles d’espoir laissé par Alexeï Navalny dans la déclaration qu’il fit à ses juges :
“Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés” – Cela semble quelque peu ésotérique et étrange, mais il s’agit en fait de la doctrine politique centrale de la Russie moderne. Monsieur le juge, qu’est-ce que cette phrase ou ce slogan, le slogan politique le plus important en Russie ? Où se trouve le pouvoir ? Le pouvoir réside dans la vérité… Des dizaines de millions de personnes veulent la vérité. Ils veulent connaître la vérité et tôt ou tard, ils y parviendront. Ils seront satisfaits.
Il avait terminé en prophétisant : "La Russie sera heureuse."