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Les jeunes filles sont de plus en plus nombreuses à s’infliger des automutilations - ecchymoses volontaires, scarifications, abrasions, brûlures - et le font de plus en plus jeunes. Une récente étude de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) alerte sur la hausse spectaculaire du nombre d’hospitalisations pour un geste auto-infligé chez les filles et les jeunes femmes. Entre les périodes 2015-2019 et 2021-2022, les filles de 10 à 14 ans sont 63% de plus à avoir été hospitalisées pour tentative de suicide ou automutilation. Une hausse également observée chez les 15-19 ans (+42%) et les 20-24 ans (+32%). Des augmentations que la Drees qualifie de "brutales".
Dans son cabinet, Rita de Roucy, psychologue clinicienne et psychothérapeute, reçoit de nombreuses jeunes filles qui s’infligent des griffures, des scarifications, des brûlures… Si ces gestes traduisent un profond mal-être, elle constate aussi un phénomène de mimétisme à travers les réseaux sociaux, TikTok notamment. Pour répondre au désarroi ou simplement aux interrogations des jeunes adolescentes, certaines "influenceuses" invitent "à se brûler" en assurant que c’est une manière de maîtriser son corps, de "sentir sa peau", de se sentir exister… Des pratiques suivies en raison des principes de fidélité et de loyauté qui régissent ce genre de réseau.
Au cœur de ces pratiques, un profond mal-être, lié aux transformations physiques et physiologiques du corps d’une adolescente, et face auquel les jeunes filles se sentent parfois seules et désemparées. "Les jeunes filles peuvent se sentir comme des étrangères dans ce corps qui change, et peuvent ressentir le besoin "de se pincer", de se griffer, pour se sentir exister. Les gestes auto infligés sont une manière de mater ce corps, de l'assujettir, et cela peut devenir une addiction", explique Rita de Roucy. Mais de tout temps, les filles grandissent. Alors qu’est-ce qui a changé ?
Impact des réseaux sociaux
Tout d’abord, l’adolescence arrive de plus en plus tôt, en raison d’une alimentation "ultra hormonée", souligne la psychologue. Ensuite, l’exigence d’être présent sur les réseaux sociaux s’est accentuée depuis la crise sanitaire. "Pour exister, se sentir adaptés, les jeunes sont sur les réseaux. Mais entre 10 et 14 ans, c’est le stade de latence et de préadolescence, c’est supposé être une période de l’intériorité, de l’imaginaire. Or dans notre société hyper connectée, les jeunes filles se retrouvent privées de leur besoin vital d’intériorité, de leur besoin de rêver, de construire de vraies amitiés." Les jeunes filles sont tiraillées entre l’être et le paraître, le besoin d’être soi-même, d’apprivoiser cette nouvelle image d’elle-même, et la représentation, exacerbée par les réseaux, pour exister socialement et amicalement.
Les parents sont disqualifiés et remplacés par les réseaux sociaux.
En outre, les réseaux ont tendance à prendre la place des parents. Aujourd’hui, la majorité des parents n’ont plus le rôle de référents protecteurs et rassurants. "À notre époque, très souvent, les parents sont disqualifiés et remplacés par les réseaux sociaux qui remettent en cause les repères familiaux, sociaux et religieux, offrant des repères fluctuants et contradictoires." Privées de repères, certaines jeunes filles sont envahies d’angoisses profondes. La psychologue alerte sur l’absence, notamment psychique, des parents : "Les parents sont submergés par les sollicitations de leur vie professionnelle, sociale, et ne sont pas toujours présents psychiquement pour rassurer et contenir psychologiquement et affectivement leur fille", regrette Rita de Roucy.
Être "moins pressés pour avoir des enfants moins stressés"
Pendant l’adolescence, le rapport aux autres est crucial. Chaque évènement vécu vient conforter ou au contraire fragiliser l’image qu’une jeune fille a d’elle-même. C’est une période où elle a besoin d’être valorisée par ses proches, par une parole, un geste, un regard qui signifie que son corps est sacré. "Le corps est un allié, le corps nous veut du bien", martèle Rita de Roucy. "Il est important de rentrer en amitié avec son corps, être dans la douceur avec son corps. Un corps que nous aimons nous le rend".
La psychologue invite les parents à être "moins pressés pour avoir des enfants moins stressés". Elle exhorte à davantage de douceur avec une jeune fille, à éviter les comparaisons, à partager avec elle un sport, une passion, à lui exprimer sa grande joie d’être en sa compagnie, à la féliciter pour chaque petite réussite. Elle recommande également d’encourager chez une jeune fille une passion, un centre d’intérêt. "On les aide ainsi à se démarquer des autres, à attirer l’admiration et la reconnaissance autrement que par le paraître", souligne-t-elle. En outre, pratiquer un sport développe l’amour et le respect du corps, sans compter que cela aide à produire de la sérotonine, l’hormone du bien-être, bienvenue lorsqu’il s’agit de lutter contre l’anxiété liée à l’adolescence. Enfin, partager avec sa fille un sport, une passion, ou tout du moins un centre d’intérêt commun, permet de construire une complicité rassurante, une relation de confiance, ainsi que des occasions de confidences. Autant d’éléments qui aident une jeune fille à affronter sereinement les turbulences de l’adolescence.