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Trois ans maintenant que la Birmanie est à feu et à sang après le coup d’État militaire du 1er février 2021. Dans ce pays ravagé par la guerre civile qui oppose la junte aux "Forces de défense du peuple", les affrontements n’épargnent pas les édifices religieux, souvent pris pour cible. Le 7 janvier 2024, des frappes aériennes ont visé deux églises dans le village de Khampat, au nord-ouest du pays, et fait une vingtaine de morts, dont au moins huit enfants. En novembre 2023, c’est tout un village chrétien et son église catholique qui ont été incendiés dans la région de Saigang (nord-est), ainsi qu’un couvent.
Il est difficile d’établir un décompte précis des églises touchées. Toutefois, plusieurs rapports tentent de donner un aperçu du nombre d’édifices religieux qui ont subi des dommages sur les trois années de conflit écoulées. Leurs recherches permettent d’établir que dans l’ensemble du pays, au moins 200 édifices religieux ont été détruits ou endommagés par la guerre, parmi lesquels entre 75 et 87 sont des églises chrétiennes. Ainsi, le rapport publié en juin 2023 de la Commission Internationale des Juristes, organisation non gouvernementale internationale de défense des droits de l'homme créée en 1952, fait état de 94 édifices bouddhistes touchés, et 87 édifices chrétiens dont trois couvents "saccagés, détruits ou endommagés", depuis le coup d’État jusqu’au mois d’avril 2023. L’ONG "Chin Human Rights Organization" mentionne quant à elle dans son rapport de mars 2023 un total de 75 églises détruites ou endommagées de mai 2021 à février 2023.
L’État martyr du Chin
L'État Chin, frontalier de l’Inde et du Bangladesh, est particulièrement sujet à ces destructions. Les chrétiens y représentent 85% de la population, ce qui en fait le seul État à avoir une population majoritairement chrétienne. Les chrétiens ne représentent que 6% de la population birmane, en grande partie bouddhiste.
Dans cette région, une trentaine d’églises (principalement baptistes mais aussi catholiques) ont donc fait l’objet de destructions au cours des combats : la Commission Internationale des Juristes recense 34 églises touchées, et l’ONG Chin Human Rights Organization évoque, sur les 75 églises birmanes ciblées, "une écrasante majorité dans l'État Chin". Des chiffres que rejoint à peu de choses près l’ONG britannique Center for Information Resilience avec son rapport Myanmar Witness, publié en janvier 2024 : 28 rapports faisant état de dommages causés à des églises dans l'État Chin ont été enregistrés entre le 1er février 2021 et le 8 septembre 2023.
L’État de Kayah, lui aussi au cœur des affrontements, est également fortement concerné par les violences contre les lieux de culte chrétiens. Il comporte une forte minorité chrétienne : sur ses 350.000 habitants, 90.000 sont catholiques. Dans le diocèse de Loikaw, plus de la moitié des 41 paroisses ont subi des destructions totales ou partielles, ou des profanations, affirmait ainsi Vatican News en novembre 2023.
Intensification des combats
Ces dégradations sont le résultat de tirs d'artillerie, d'incendies criminels, et plus généralement de bombardements. La junte, qui exerce encore une supériorité aérienne non contestée, utilise de plus en plus ses moyens aériens pour limiter la présence des rebelles au sol. L’emploi des frappes aériennes a redoublé depuis le mois d’octobre 2023, alors que plusieurs factions rebelles ont joint leurs forces pour mener une vaste offensive contre l’armée régulière. Cette intensification des combats a conduit au déplacement de quelque 286.000 personnes depuis le 26 octobre, selon le dernier bilan établi par les Nations Unies.
Le 28 janvier 2024, le pape François a encore une fois formulé un appel à la paix en Birmanie. "Depuis trois ans, le cri de douleur et le bruit des armes ont remplacé le sourire qui caractérise le peuple du Myanmar", a-t-il déclaré depuis la fenêtre du Palais apostolique. Devant près de 20.000 fidèles réunis sur la place Saint-Pierre, il s’est joint à la voix des évêques birmans qui souhaitent que "les armes de destruction se transforment en instruments de croissance en humanité et en justice".