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Le dernier livre de Fanny Wallendorf, Jusqu’au Prodige (Finitude), qui vient de recevoir le prix François-Sommer 2024, nous fait découvrir d’étranges contrées. Dans un texte poétique, mais surtout tendu, haletant, révolté, la romancière nous entraîne dans une marche en montagne qui est une exploration du mystère du mal. On ne trouve dans le texte aucune niaiserie environnementaliste, et pas davantage de bons sentiments favorables au chasseur. Dans ce livre, l’homme n’est pas mauvais et la nature n’est pas morale. C’est la création qui tout entière souffre du mystère du mal, d’un mal qui semble gagner la partie.
L’histoire d’une évasion
Comment fuir le mal ? Et pour aller où ? L’histoire est celle d’une évasion. Elle se passe au plus profond de la Seconde Guerre mondiale, dans le Vercors où les soldats allemands et les maquisards se traquent. L’héroïne, Thérèse, est séquestrée par un chasseur cruel et sans visage, qui collectionne des trophées vivants. Elle n’en peut plus. Elle décide de fuir sa prison pour rejoindre son frère résistant dans un village éloigné. Elle va vers le bois Contigu (un joli nom, bois Contigu : nous avons tous un bois Contigu à la lisière de nos vies, et qu’il nous faut traverser) et court dans la montagne, seule, immergée dans une nature qui la protège du malheur fabriqué par les hommes mais lui donne en même temps le spectacle d’un mal naturel, enraciné dans la création.
La loi du monde est une loi d’entre-dévorement : il faut tuer où être tué. L’homme est un roi déchu ; la nature est déchue avec lui. Mais la beauté n’est pas morte dans ce monde de rochers, de forêts et de bêtes sauvages. Elle sauve tout. Le lecteur en trouve la trace partout dans le texte, comme un signe imperceptible de l’amour de Dieu présent dans la montagne la plus austère. Quelque chose luit au-delà des pires abjections.
Cela s’appelle l’aurore
À la fin, l’héroïne rejoint le Renard [appelé le Prodige, Ndlr]. Elle le suit vers la ville. Texte étrange, vraiment, mais ponctué de bonheurs d’écriture qui nous enchantent. Tout est dit dans la citation de Giraudoux qui lui sert d’incipit :
"Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entretuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ?
— Cela a un très beau nom. Cela s’appelle l’aurore."
Pratique :