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Les catholiques sont-ils tenus d’être d’accord avec le Pape ?

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Morgane Afif - publié le 17/01/24
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Un catholique est-il tenu d'être d'accord, en tous points, avec le Pape ? Est-ce un péché de ne pas adhérer à ses propos ? Qu'en est-il des textes officiels publiés par le Vatican ? Le père Cédric Burgun, professeur à la faculté de droit canonique de Paris, apporte son éclairage pour Aleteia.

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Les catholiques sont-ils toujours tenus d’être d’accord avec le Pape ? La déclaration Fiducia Supplicans fait grand bruit et divise les catholiques. Est-ce un péché, que ne pas adhérer, en toutes circonstances, aux décisions du Saint-Père ? "Cela dépend des degrés magistériels", explique le père Cédric Burgun, docteur en droit canonique. Le canon 750 du code de droit canonique établit : 

§1. On doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu écrite ou transmise par la tradition, c’est-à-dire dans l’unique dépôt de la foi confié à l’Église, et qui est en même temps proposé comme divinement révélé par le magistère solennel de l’Église ou par son magistère ordinaire et universel, à savoir ce qui est manifesté par la commune adhésion des fidèles sous la conduite du magistère sacré; tous sont donc tenus d’éviter toute doctrine contraire.

§2. On doit fermement accueillir et garder également toutes et chacune des choses qui sont proposées définitivement par le Magistère de l’Église quant à la foi et aux mœurs, c’est-à-dire ces choses qui sont requises pour garder saintement et exposer fidèlement ce même dépôt de la foi; s’oppose donc à la doctrine de l’Église catholique celui qui refuse ces mêmes propositions que l’on doit garder définitivement. ”

"Ce canon nous rappelle donc qu’il y a ce que l’on peut appeler des degrés magistériels qui n’appellent pas nécessairement la même adhésion : il y a des 'points' de notre foi que l’on doit croire, de foi divine et catholique, et donc auxquelles on est tenu d’adhérer". Selon le §1, on est tenu d’adhérer à ce qui relève du magistère solennel ou ordinaire, c’est-à-dire de l’enseignement de l’Église sur les vérités de la foi et des mœurs.

Politique ou magistère ?

"Cela regroupe, entre autres, l’infaillibilité pontificale, mais pas que", précise le professeur. "Certains dogmes sont proclamés sans engager l’infaillibilité pontificale. Les conciles, également, relèvent de l’infaillibilité, selon le canon 749 : 'le Collège des Évêques jouit lui aussi de l’infaillibilité dans le magistère lorsque les Évêques assemblés en Concile Œcuménique exercent le magistère comme docteurs et juges de la foi et des mœurs, et déclarent pour l’Église tout entière qu’il faut tenir de manière définitive une doctrine qui concerne la foi ou les mœurs'. Le magistère du concile est donc un magistère solennel : les catholiques sont donc tenus d’adhérer à tout ce qui y est déclaré". Il existe ainsi des sujets sur lesquels le Pape s’exprime mais qui n’appartiennent pas nécessairement au magistère solennel de l’Église : si le Pape prend une position sur un sujet politique qui est encore débattu en théologie, en doctrine sociale ou en droit, on peut ne pas être d’accord avec lui tout en restant fidèle à l’Église catholique.

"Si vous êtes en désaccord avec le Pape sur un point qui n’a pas été tranché par le magistère, ce n’est donc pas un péché", ajoute le père Cédric Burgun. "En revanche, si vous êtes en désaccord avec le Pape sur un point du magistère, vous n’êtes pas d’abord en désaccord avec le Pape ; vous êtes en désaccord avec le magistère de l’Église, ce qui pose problème quant à la communion dans la foi que nous sommes tenus de vivre avec l’Église". Ainsi, une chose est de se poser des questions dans sa conscience, son for interne, une autre est de semer la division publiquement chez les catholiques et de s’opposer systématiquement au Pape François, parce que c’est le pape François.

Mettre à mal la communion de l'Église

"Il y a des oppositions qui nourrissent des penchants schismatiques ou hérétiques", souligne le professeur. "En droit canonique, un acte schismatique est une opposition au gouvernement ecclésiastique quand l’hérésie est une négation obstinée d’une vérité de la foi (et l’apostasie est le rejet de la totalité de la foi). Le canon 205 impose à tout fidèle de garder la pleine communion avec l’Église par 'les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique'. Ce qui blesse l’un de ces liens est de l’ordre a minima du péché envers Dieu et son Église. Le §1 du canon 1364, en droit pénal canonique, établit ainsi que 'l’apostat de la foi, l’hérétique ou le schismatique encourent une excommunication latæ sententiæ'."

Une chose est de se poser des questions dans sa conscience, une autre est de semer la division chez les catholiques et de s’opposer systématiquement au Pape François.

Se poser des questions n’est évidemment pas un mal en soi. "En revanche si ce questionnement ou même un désaccord en conscience se traduit en actes de mépris, de méfiance ou de schisme ; si la réflexion devient un acte de rébellion contre le Saint-Père, alors, il faut s’interroger sur la manière dont on conçoit notre filiation avec l’Église catholique", ajoute le père Cédric Burgun. "Certes cela dépend du degré magistériel : si le Pape explique le dogme de l’Immaculée Conception, ce n’est pas la même chose qu’une prise de position, dans le cadre d’une homélie, sur l’immigration, par exemple".

Un catholique qui serait constamment en désaccord avec le Saint-Père met à mal l’unité de l’Église.

Le mal n’est pas le questionnement en soi, mais ce qu’on en fait : jusqu’où s’obstine-t-on dans son opposition et jusqu’où et comment expose-t-on son désaccord ? Se donne-t-on les moyens de creuser la réflexion du Saint-Père avec laquelle on n’est pas d’accord ? "C’est un peu facile d’avoir un réflexe épidermique qui consisterait à dire ‘Puisque c’est François qui le dit, je ne suis pas d’accord’.", souligne le père Cédric Burgun, qui rappelle qu’ "un catholique qui serait constamment en désaccord avec le Saint-Père met à mal la communion et l’unité de l’Église".

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