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Sur la base du chantier de Notre-Dame, on frissonne dans l'air glacé de cette journée d'hiver. Frissons de froid mais aussi de joie et de fierté. Après la levée du coq en haut de la flèche fin décembre, le 12 janvier marque une nouvelle étape dans l'avancée des travaux de restauration de la cathédrale avec la fin de la pose de la charpente du chœur. La construction de cette forêt de chênes massifs avait débuté l'été dernier. Pour Philippe Jost, président de l'Établissement public en charge de la reconstruction, c'est une victoire de plus. "Nous sommes très près de la réouverture, et la cathédrale a retrouvé le visage et la silhouette qu'on lui connaît, que tout le monde aime", sourit-il avant d'ajouter non sans fierté : "C'est une magnifique charpente, très belle à voir. Mais c'est aussi un ouvrage pérenne, nous sommes très confiants sur le fait que cette charpente en chêne massif va tenir autant que sa devancière, au moins 860 ans !"
Pour symboliser la fin de ce travail de longue haleine, la tradition veut qu'un bouquet de fleurs soit déposé tout en haut de la charpente. C'est le plus jeune charpentier des Ateliers Perrault, Léonard, 21 ans, qui en a à la fois l'honneur et la responsabilité. On l'aperçoit hissé sur la charpente. Autour de lui, les silhouettes de ses camarades casqués de blanc se détachent, certaines montent à grandes enjambées les échafaudages de fer qui emprisonnent encore Notre-Dame. En bas, d'autres ouvriers et artisans attendent, emmitouflés dans leurs polaires, un bonnet identique enfoncé jusqu'aux yeux. Parmi eux, Julien, 42 ans et menuisier. "C'est l'achèvement d'un projet hors-normes. Vu de l'extérieur, puisque je suis plus menuisier que charpentier, ce chantier a apporté une véritable effervescence dans l'entreprise. C'est aussi célébrer la grande cohésion qui s'est bâtie autour de Notre-Dame", déclare-t-il à Aleteia. Le coup de sifflet retentit et fait taire les bavardages : la grue monte le grand bouquet suspendu à son extrémité et l'approche de l'abside. Une fois le bouquet attrapé, une cheville est posée pour le fixer. Des cris de joie et des applaudissements viennent ponctuer ce cérémonial. "Bravo les gars !" s'époumonent les collègues restés à terre.
Jeunes, moins jeunes, Français, étrangers...
Armand a 16 ans, il est apprenti aux Ateliers Perrault et a contribué à démonter l'abside de la charpente montée à blanc dans les ateliers en Anjou. "C'est magnifique de voir tout ce travail réalisé", dit-il tout sourire et les yeux tournés vers Notre-Dame. "C'est drôle, d'ici c'est tout petit, alors que sous le chapiteau c'était énorme. Pouvoir contribuer à la restauration d'un monument comme celui-ci, c'est juste incroyable. C'est de l'histoire pure", s'émerveille-t-il. Les charpentiers sont enfin descendus de leur perchoir de bois. Dorian en fait partie. Ce trentenaire à la barbe fournie, les cheveux entourés d'un bandana bleu, était chargé de l'équarrissage des grumes pour les transformer en poutres, grâce à une longue hache. Il ne cache pas sa fierté de faire partie de cette entreprise de longue haleine : "Je ressens de la fierté pour l'ouvrage en tant que tel, mais aussi parce que nous continuons de perpétuer des traditions, des valeurs, et une véritable fraternité."
Plus loin, Wallerand, 25 ans, discute avec son aîné, Dominique, alias "Doudou". Le jeune homme est spécialisé dans la logistique des arbres. Il s'est assuré que les arbres choisis en forêt ne comportent aucun défaut pour pouvoir réaliser les 650 pièces qui composent la charpente. "C'est une sacrée émotion d'être ici aujourd'hui. Tout est le fruit d'un travail très minutieux, selon des techniques du XIIIe siècle. Le bois que nous avons vu être taillé, nous le voyons maintenant assemblé et reprendre sa place. Cette cathédrale qui se relève, c'est splendide."
En veste de costume et gavroche, Anck tranche par un style très soigné pour l'occasion. Aleteia le retrouve six mois après l'avoir rencontré dans les ateliers Desmonts situés à Perriers-la-Campagne, dans l'Eure, tout comme Will. Ces deux Américains ont tout quitté pour participer au chantier de Notre-Dame. Tous deux ont travaillé sur la charpente de la nef qui attend d'être montée. Mais ils ne se sont pas fait prier pour assister à la pose du bouquet avec leurs collègues de la charpente du chœur. "Cela fait un an que je travaille ici, c'est la grande aventure de ma vie. Je suis très ému d'être là", confie Anck. Si cette journée marque le point final de leur ouvrage, tous ont le regard résolument tourné vers l'avenir. Ne sont-ils pas les nouveaux bâtisseurs de cathédrales ? "Ce n'est pas une fin, ce n'est que le début", affirme ainsi Dorian. "Je vais continuer ma route et de faire des ouvrages qui durent. Je veux choisir d'inspirer les nouvelles générations." Notre-Dame, décidément, est plus vivante que jamais.