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En ce début du XXIe siècle, cent ans après l’essor spectaculaire du scoutisme français, nombre de groupes soufflent leurs bougies les uns après les autres (groupe Saint-Louis à Paris, Saint-Étienne à Toulouse…). L’année 2023 marque ainsi les cent ans du groupe scout Notre-Dame de la Real, à Perpignan. Mais qui se souvient encore de l’histoire de la 1e Perpignan en 1943, tout juste vingt ans après sa création ?
Durant les années de guerre, les chefs et routiers de ce groupe sont mobilisés, puis ils décident de rejoindre la Résistance dans divers mouvements, fidèles à leur promesse de servir leur pays. Au début de l’année 1943, certains dont le chef de clan Jo Tasias entreprennent de réaliser un pari fou : mettre en place une croix au sommet du Canigou, qui domine les terres catalanes de ses 2.783 m d’altitude. Le but, effectuer un pèlerinage afin de prier pour la France, alors occupée, et pour le retour des prisonniers.
Les scouts se font aider pour la réalisation de la croix par un ami de leur aumônier, Georges Margouet. Il est forgeron et réalise une croix qu’il termine en juillet 1943.
Monter la croix de cent douze kilos donne aux scouts et aux guides l’occasion de prier le chemin de croix, accompagnés des prêtres qui soutiennent leur entreprise. Les conditions sont éprouvantes, d’autant qu’une partie du chemin est parcourue pieds nus, et l’opération rendue physiquement plus difficile du fait de la sous-alimentation liée à la guerre. Sous un ciel peu clément, les scouts montent à pied les plus de 2.000 mètres de dénivelé positif qui séparent Prades du refuge des Cortalets. Le matériel nécessaire, mortier, pelles, cordes, est tiré dans une charrette à bras. Le refuge sert de camp de base pour les dix jours de travail qui s’ouvrent.
Enfin le socle est réalisé, la croix trouve sa place et le scellement se termine le 26 juillet. Bénédiction et messe célébrée sur la table d’orientation accompagnent cette étape émouvante.
L’histoire ne s’arrête pas tout à fait ici. En effet, les scouts n’ayant demandé (et pour cause !) aucune autorisation, ils ont implanté la croix trop près du point géodésique, repère matérialisant des coordonnées géographiques. En 1960, des employés du service géographiques, peu scrupuleux, la font sauter à la dynamite car elle les gêne dans leur travail. Qu’à cela ne tienne, les scouts décident d’en remettre une. Ils récupèrent les morceaux de l’ancienne croix qui avaient été jetés sur les pentes de la montagne, et entreprennent de la reforger tout en faisant réaliser une nouvelle croix, plus grande, haute de 1,80 m et large d’un mètre d’envergure. Jo Tasias prend la précaution de demander une concession d’un mètre carré, plus éloignée du point géodésique. La nouvelle croix est inaugurée le 30 juillet 1961, au cours d’une cérémonie plus importante que la précédente, qui gardait un caractère clandestin.
La première croix réparée a été installée dans les années 1960 près de Saint-Jean d’Albère dans les Pyrénées orientales, à l’entrée du monastère des ermites de Marie (aujourd’hui monastère des sœurs de Bethléem). Le scoutisme a une fois de plus montré sa capacité à susciter des adultes responsables, fidèles à leur promesse et créatifs dans sa mise en œuvre.