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Le Saint-Siège s’engage contre l’endettement

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Jean-Baptiste Noé - publié le 16/12/23
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Quand elle est excessive et mal utilisée, la dette asservit les nations en les mettant entre les mains de leurs créanciers, analyse le géopoliticien Jean-Baptiste Noé. Une situation de dépendance excessive que dénonce le Saint-Siège, qui appelle à une réduction des dettes.

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Un apéritif agréable qui devient une drogue dure, telle pourrait être la définition de la dette. Beaucoup de pays cèdent à ses sirènes, tombant dans une trappe dont ils peinent à sortir. Si la dette est agréable de prime abord, en permettant de financer de grands projets à peu de frais, elle devient de plus en plus dangereuse au cours du temps, non seulement parce qu’elle augmente, mais aussi parce que les pays ne peuvent plus s’en passer, leur système politique reposant sur l’émission de dettes. Le pape François le sait plus que quiconque, lui qui vient d’Argentine, un pays qui a connu une croissance massive de la dette au cours des cinquante dernières années, engendrant poussée inflationniste, blocage des banques et pauvreté. Avec 140% d’inflation et un Argentin sur cinq vivant sous le seuil de pauvreté, le pays est tombé dans un piège à dette dont il peine à sortir. 

Trappe à dette

C’est peut-être l’expérience de son pays natal qui a conduit François à intervenir régulièrement durant son pontificat sur le piège représenté par la dette. En cela, il a repris non seulement les interventions de ses prédécesseurs directs, mais aussi le riche patrimoine conceptuel de l’Église. Les auteurs franciscains, notamment Jean Duns Scott (1266-1308), ont beaucoup écrit sur la finance, la monnaie, la dette. Opérant un parallèle entre la dette des péchés et la dette financière, Duns Scott tisse le lien entre la remise de l’une par la confession et la remise de l’autre par la restitution des biens. L’argent appartenant à celui qui l’a prêté, l’emprunteur est l’usufruitier de la somme empruntée, mais nullement le propriétaire ; il doit donc rendre ce qui n’est pas son bien. 

Les appels à la conversion de la dette en don sont une chose, mais ils ne peuvent rien donner de durable sans une désintoxication des économies nationales à l’argent facile et presque magique de la dette.

Le problème de beaucoup d’États contemporains est qu’ils sont incapables de rembourser leur dette, la somme empruntée devenant trop importante, notamment sous l’effet des intérêts. Pris à la gorge, ils sont bloqués et soumis à leurs créanciers. C’est ce qui arrive notamment à de nombreux États africains, qui ont beaucoup empruntés à la Chine et qui se retrouvent aujourd'hui contraints de céder une partie de leurs infrastructures à des groupes chinois afin de rembourser leur dette. Ghana, Guinée, Éthiopie, Tanzanie, les deux Congo, le Mozambique, le Soudan et la Zambie sont ainsi les pays les plus endettés auprès de la Chine. Ce sont tous des pays d’Afrique de l’Est, zone où les entreprises chinoises sont particulièrement implantées. En développant les ports au Kenya et en Tanzanie, la Chine arrime ainsi le continent africain à l’océan Indien et donc aux ports chinois. Pékin limite ses incursions en Afrique, choisissant quelques pays cibles, géographiquement et économiquement intéressants pour lui. Le piège de la dette est néanmoins toujours à deux bouts : elle profite certes au pays qui prête, car elle vassalise le pays qui reçoit, mais elle bénéficie aussi aux dirigeants qui reçoivent la dette, dont une partie est détournée à des fins personnelles et une autre permet de s’attacher facilement les bonnes grâces de la population.  

Remise de dettes

En 2020, François a ainsi demandé aux pays européens de supprimer la dette à l’égard des pays africains et défendu une solidarité internationale "en réduisant, si non carrément en annulant, la dette qui pèse sur les budgets des pays les plus pauvres ». Nous étions alors dans le contexte du Covid et de pays asphyxiés par l’arrêt des économies consécutif à la mise en place des confinements. Si les pays d’Europe, notamment la France, ont massivement suivi ce chemin en opérant des remises de dette, le prêt devenant alors un don, ce n’est pas le cas de la Chine, de la Turquie et de la Russie qui eux continuent leurs incursions sur le continent africain. Une dette utile pour les émetteurs, afin d’accroître leur influence, et nécessaire pour les débiteurs afin de financer leurs frais de fonctionnement. Les appels à la conversion de la dette en don sont une chose, mais ils ne peuvent rien donner de durable sans une désintoxication des économies nationales à l’argent facile et presque magique de la dette. Sur ce sujet, le Vatican a montré l’exemple : le Saint-Siège dispose aujourd'hui d’un budget quasiment à l’équilibre et son endettement se réduit. Une prouesse et un cas rare en Europe.    

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