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Et si vous vous lanciez dans une robinsonnade conjugale ?

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"Soudain seuls", un film de Thomas Bidegain.

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Henri Quantin - publié le 13/12/23
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Vivre une retraite de couple comme deux naufragés qui se retrouvent seuls sur une île, c’est l’idée que le film "Soudain seuls" inspire à l’écrivain Henri Quantin. Et si vous aussi, vous décidiez de trouver le lieu de votre île déserte pour vous dévoiler en vérité ?

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Est-ce notre manque de culture qui nous trompe ? Il nous semble que le film Soudain seuls de Thomas Bidegain réussit à renouveler l’intrigue mille fois reprise du naufrage sur une île déserte, par le seul fait de le faire vivre à un couple. Littérature ou cinéma, on connaissait le naufragé luttant seul pour survivre, éventuellement rejoint par un compagnon d’infortune en cours de route.

On savait aussi depuis Robinson suisse, publié en 1812 par le pasteur Johann David Wiss, que l’aventure insulaire pouvait prendre une allure familiale : un père, une mère et leurs quatre fils se voient à leur tour contraints de repartir à zéro dans l’aventure humaine. Redécouvrir le feu, apprivoiser la nature souvent hostile, cueillir et chasser, retrouver des gestes artisanaux de base avec des outils rudimentaires ou providentiellement échoués sur la plage... 

La survie d’un couple mis à nu

Jules Verne s’amusa à quelques variations sur le même canevas, notamment avec les quinze jeunes garçons de Deux ans de vacances : quand on a entre 8 et 14 ans, la vie sur une île tranche avec le quotidien d’un collégien anglais, mais la bonne éducation ne se perd jamais complètement. Avec Sa majesté des mouches, William Golding opposa à Deux ans de vacances une version plus sombre, où le retour à l’état de nature est beaucoup moins idyllique que l’on croit : sans le vernis fragile de la civilisation, la violence primitive revient au grand galop. Qu’elle permette de rejouer la Genèse ou la préhistoire (Tintin sous l’arbre à pommes de l’Étoile mystérieuse ou Tom Hanks à la capillarité primitive dans Seul au monde), l’île en dit donc long sur ce que pense l’auteur des bienfaits ou des méfaits de la civilisation et de la vie en société. En témoigne la façon dont le héros quitte son île, avec joie ou avec regret. Parfois, à peine parti, il rêve d’y retourner le plus vite possible.

Avec Soudain seuls, Thomas Bidegain porte à l’écran une robinsonnade de couple. Sans rien ôter à l’apprêté du film de survie individuelle face aux éléments hostiles (il fait très froid et il n’y a rien à manger), l’intrigue y superpose avec habileté un autre enjeu tout aussi crucial : la survie d’un couple mis à nu, sans les divertissements, évitements ou faux-fuyants que la vie civilisée rend possibles ou encourage. Les équipes Notre-Dame appelleraient ça un devoir de s’asseoir de l’extrême. De fait, en nos temps de recherche de "concepts innovants" y compris dans le domaine missionnaire, on peut se demander si des retraites de couple d’un nouveau type ne pourraient pas s’inspirer du film. On nommerait ça les parcours "Île, elle et lui" ou "Je, tu, île".

Garder un feu allumé

Sans doute les animateurs de ces nouvelles retraites pourraient-il forger un scénario moins radical. Il n’est pas absolument nécessaire de recréer le péril de mort et d’obliger les participants à tuer un manchot avec une barre de fer pour se nourrir. En revanche, la nécessité de s’organiser pour garder un feu allumé jour et nuit pourrait être conservée, de même que la recherche de matériaux de base pour construire un abri qui ne prenne pas trop la pluie. La répartition des tâches deviendrait alors une question plus vitale que dans les thèses de sociologie sur la charge mentale de la femme.

Celui qui porte l’autre n’est pas toujours celui qu’on croit et se laisser porter demande parfois une bonne dose d’humilité.

Les moins aventuriers pourraient vivre la retraite chez eux, en se limitant à un seul élément du film : que les téléphones portables soient hors-service, épreuve, il est vrai, jugé par certains plus extrême que la chasse au manchot. À l’éternelle question du livre qu’on apporterait sur une île déserte, on substituerait celles-ci : si vous vous retrouviez seuls tous les deux sur une île inhospitalière, sans la moindre ressource et sans beaucoup d’espoir de sauvetage, comment vous organiseriez-vous ? Qu’attendriez-vous précisément de votre mari ou de votre femme ? Et que diriez-vous à l’autre qui vous demande : "Et maintenant, qu’est-ce qu’on va faire ?" dans l’espoir d’une réponse rassurante ?

Se retrouver pour une fois vraiment face à face

Vu dans cette perspective, Soudain seuls dévoile les forces et les fragilités de deux personnes qui s’aiment, ce qui amène à se demander qui soutient qui. Celui qui porte l’autre n’est pas toujours celui qu’on croit et se laisser porter demande parfois une bonne dose d’humilité. Une retraite de couple inspirée du film amènerait peut-être quelque surprise au mari persuadé que sa femme, fragile définitive, est inapte à se débrouiller sans lui. On espère que, de leur côté, les femmes y découvriraient que leurs maris sont peut-être moins incapables de les écouter qu’elles ne le déplorent parfois. 

Loin des Barbie et des Ken en maillot de bain de L’Île de la tentation, le but d’une robinsonnade conjugale serait au fond assez simple : se retrouver pour une fois vraiment face à face, comme obligés de se parler. Fin des non-dits, des nouvelles gardées pour soi de crainte que l’autre ne dise ce qu’il en pense, des petits accommodements avec la vérité. Non pas dans un idéal de transparence, qui est une naïve vue de l’esprit, mais dans la certitude d’une histoire commune, dont chaque décision concerne autant l’autre que moi-même. Soudain seuls le révèle sans cesse : il est des situations où mes choix décident indirectement de la vie ou de la mort de l’autre. Ce que je fais contribue autant à me sauver ou à me perdre qu’à sauver ou perdre celui que j’aime. Cela vaut pour le sauvetage du naufragé comme pour le salut de l’égaré.

Si certains ont désormais besoin de se retrouver sur une île déserte pour se parler enfin en vérité, tout couple gagne à trouver, même tout près de chez lui, le lieu de sa robinsonnade. Ce peut même être une manière d’éviter le naufrage.

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