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On le connaissait pour ses talents de réalisateur. En 2022, il ravissait les yeux des spectateurs avec Une autre jeunesse, documentaire diffusé sur KTO qui retrace le périple d’un groupe de routiers scouts d’Europe, portés par un même idéal sur les routes de pèlerinage à Vézelay. Depuis le 1er août 2023, Tanguy Louvel, 46 ans, a troqué sa casquette de réalisateur pour celle de directeur d’école. Et pas des moindres. Il est à la tête des Petits Chanteurs à la Croix de Bois. Créée en 1907, la célèbre manécanterie forme 75 garçons de 10 à 17 ans au chant choral et les emmène en tournée à travers la France et à l’international.
De la réalisation de films à l'éducation, le lien ne saute pas forcément aux yeux. Et pourtant Tanguy Louvel, touche-à-tout passionné par l’éducation, le cinéma et le chant, assure le contraire. "Pour moi la réalisation audiovisuelle est un moyen éducatif ", explique l’intéressé. Si l’on retrace le parcours de cet infatigable artiste-entrepreneur, la ligne est claire: tourner le regard vers la jeunesse, l’élever et la porter à la grandeur et au dépassement de soi. Avec l’art pour outil principal.
Du cinéma à la manécanterie
Ce n’est pas avec la réalisation de longs métrages que l’histoire avait commencé, mais avec la musique et le chant. En 2004, Tanguy Louvel obtient à la fin de ses études un poste dans la direction et l’enseignement à l’institution Saint-Donatien, un collège pour garçons situé à Derval (Loire-Atlantique), aujourd’hui fermé. "J’ai toujours fait partie d’une chorale, et quand je suis arrivé à Saint-Donatien, j’ai décidé d’en créer une avec les élèves". La même année, la sortie en salles du film Les Choristes assure aux petits chanteurs de Saint-Donatien un certain succès. Le château qui abritait le collège et son internat à Derval a d’ailleurs des allures du "Fonds de l’Étang", le fameux internat des Choristes. "Il y avait le film, mais le modèle de chorale que j’avais à l’époque, c’était déjà les Petits Chanteurs à la Croix de Bois, ça m’avait inspiré", note Tanguy Louvel, qui occupe alors les tâches de professeur de musique, de Lettres et de maître d’internat.
"En 2009, l’année où nous attendions avec ma femme notre aîné, j’ai décidé de faire un film, et j’ai passé l’été à écrire un scénario de fiction", se rappelle-t-il. "J’ai présenté mon projet en septembre à l’équipe éducative, et ça a été un vrai projet d’établissement. J’ai appris en même temps que les élèves !" De 2011 à 2022, Tanguy Louvel réalise deux longs métrages de fiction, et quatre documentaires pour la télévision. La plupart parlent de la foi, mais aussi de la beauté d’une jeunesse engagée. Le dernier en date, Une autre jeunesse, sur le pèlerinage à Vézelay des routiers, est une pépite. "Dans la presse, on ne voit qu’une jeunesse auteur ou victime de violence, je voulais montrer une jeunesse qui porte d’autres espoirs. Mais ce film en appelle d’autres, il y a d’autres visages de cette autre jeunesse." En parallèle, il trouve encore le temps de bâtir un autre projet de grande ampleur, toujours consacré à la jeunesse. En 2017, Tanguy Louvel fonde un établissement hors-contrat non confessionnel, qui promeut un apprentissage fondé sur les intelligences multiples.
Finalement en 2023, il rejoint les Petits Chanteurs à la Croix de Bois, près de 20 ans après avoir dirigé sa première chorale. "Les opportunités qui se présentent ne viennent pas par hasard, je crois que c’est le fruit de la Providence et qu’une mission m’a été confiée, assure-t-il. Tout ce que je peux faire, je le ferai avec enthousiasme, en ayant conscience de mes pauvretés et de mes limites. Je me sens vraiment à ma place. Quand je relis mon parcours, je me dis que j’étais préparé à ce que je vis aujourd’hui, même si on n'est jamais vraiment prêt et qu’on apprend encore."
80 concerts par an
Pour l’heure, le nouveau directeur prend ses marques dans son nouveau rôle, qui l’a poussé à quitter sa Bretagne natale pour s’installer avec sa famille en Bourgogne, où se trouve l’institution des Petits Chanteurs. "J’ai passé mes deux premiers mois à comprendre l’institution et pour le moment, j’écoute et j’apprends, explique-t-il. Ma mission est de coordonner tous les acteurs, l’équipe éducative, l’équipe artistique, de programmer et organiser les tournées, et d’accompagner les élèves pour leur permettre de s’épanouir dans le chant choral."
La tâche est de taille, avec pas moins de 50 concerts prévus cette année dans toute la France, et 30 à l’étranger. "J’ai vécu ma première tournée au mois d’octobre, de Poitiers à la Bretagne", raconte-t-il avec enthousiasme. "C’est là que l’on comprend l’intuition des fondateurs des Petits Chanteurs à la Croix de Bois : un chœur itinérant, pour évangéliser et porter la Bonne Nouvelle partout en France, par le chant. Ce sont des missionnaires, il y a cette notion d'aller porter le beau partout où ils passent. C’est dans ces tournées que l’on vit l’expérience de la rencontre, avec ceux qui nous accueillent et avec le public." Cette expérience, les jeunes chanteurs la vivent chaque année dans toute la France, mais aussi à l’autre bout du monde. Au mois de décembre, les Petits chanteurs s’envoleront avec leur directeur pour une tournée en Corée du Sud.
Le meilleur conseil que mon prédécesseur m’a donné est de porter toute mon œuvre dans la prière.
L’institution centenaire a su ainsi perdurer, et rencontre toujours autant de succès, malgré des difficultés financières qui l’ont mise en danger ces dernières années, et dont elle a su se relever. "Pendant le processus de recrutement, on m'a bien rappelé qu'il ne s'agit pas d'une œuvre comme les autres : elle porte du fruit, mais elle est attaquée parce qu’elle ne laisse pas indifférent", relève Tanguy Louvel. "Le meilleur conseil que mon prédécesseur m’a donné est de porter toute mon œuvre dans la prière : c’est ce qui, lui, l’a sauvé. Aujourd’hui, éduquer les jeunes au vrai et au beau, ce n’est pas évident dans le monde dans lequel nous vivons. C’est un combat."
Le défi est relevé, avec audace et enthousiasme. "L’idée est de poursuivre les tournées, mais aussi de développer des possibilités artistiques d’une autre manière", ajoute Tanguy Louvel. Directeur d’école, il ne s’est pas pour autant résigné à laisser sa caméra au placard. "Le dernier film documentaire produit sur les Petits chanteurs date de 2004", glisse celui qui fourmille d’idées pour de nouveaux projets artistiques. "Donc ça me paraît évident d’en refaire un dans les prochaines années."