"On racontait d’un frère qui avait commis une faute que, allant chez abba Lot, il était troublé, entrant et sortant, incapable de s’asseoir. Et abba Lot lui dit : “Qu’est-ce que tu as, frère ?” Il dit : “J’ai commis une grande faute, et je ne puis l’avouer aux Pères.” Le vieillard lui dit : “Confesse-la moi, et je la porterai.” Or il lui dit : “Je suis tombé dans la fornication et, pour pouvoir le faire, j’ai sacrifié [aux idoles].” Et le vieillard lui dit : “Aie confiance : la pénitence est possible ; va, assieds-toi dans la grotte, ne mange qu’un jour sur deux, et moi je porterai avec toi la moitié de ta faute.” Après trois semaines accomplies, le vieillard eut la certitude que Dieu avait accueilli la pénitence du frère. Et ce dernier resta soumis au vieillard jusqu’à sa mort." (Lot, 2).
Partager sa faute
À la question directe de l’ancien : "Qu’as-tu ?", celui-ci a fini par entrouvrir son cœur et avouer une grave faute et l’incapacité où il se trouve d’en parler avec les moines de la communauté. Lot n’hésite pas et lui propose de faire là, tout de suite, devant lui, l’aveu de son péché et il ajoute la promesse de le "porter" avec lui. Porter, c’est-à-dire en prendre le fardeau, en assumer la honte, comme si c’était sa propre faute. Pas l’ombre d’un jugement.
L’autre, mis en confiance, fait son aveu : il a eu des relations sexuelles, sans doute avec une femme du village voisin et, plus grave encore, il a consenti à une pratique idolâtrique que celle-ci a dû exiger de lui avant de lui céder. L’aveu est fait, il attend la pénitence qui va lui être fixée, mais maintenant il est prêt à tout. Celle-ci est sérieuse sans être terrible : rester à l’écart et manger un jour sur deux — la durée de l’épreuve n’étant pas fixée — mais l’abbé Lot s’engage à suivre le même régime que lui pour "porter", comme il l’a promis, la faute de son pénitent. Au bout de trois semaines l’épreuve s’arrête, le péché est remis.
Collaborer à son relèvement
Nous sommes en un temps où l’absolution sacramentelle n’existait pas, ou plus exactement où elle était limitée aux fautes publiques et, à cause de cela, réservée à l’évêque. Mais il va suivre tout le chemin qui est encore le nôtre dans la pénitence : passer de la mauvaise conscience et du malaise à une vraie contrition, faire l’aveu de sa faute pour s’humilier, mais, en même temps, pour manifester la distance qu’on prend à l’égard du péché, accepter la "réparation" fixée qu’on reçoit comme un grâce et pas comme un fardeau, car c’est la preuve qu’on peut collaborer à son relèvement, et enfin attendre que vous soit signifiée le retour en grâce.
Tout cela a été rendu possible par l’intervention de l’abbé Lot, plein de bienveillance mais aussi de fermeté : il ne s’est pas contenté de quelques propos rassurants, mais il a pris sa place dans le processus de libération, portant littéralement son pénitent jusqu’au terme de la cure. C’est ce qui nous est proposé à chaque confession avec en plus la certitude que nous donne l’absolution d’être vraiment rentré en grâce avec Dieu.