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Ces derniers jours, nous étions invités chez un ami au fin fond de la forêt landaise : nous n’avions pas prévu que cet ami nous ferait découvrir le massacre que la tempête avait perpétré sur ses arbres et sur sa maison à peine quelques heures avant notre arrivée. Nous pensions découvrir un havre de paix et nous arrivions sur un champ de bataille. Un pin avait atterri sur son toit, un autre s’était écrasé à quelques centimètres de sa voiture, les arbres de son parc patiemment plantés depuis des décennies étaient réduits à un chaos de décombres. Il fallait écarter les branches pour atteindre les marches du perron : "Pire que 1999", me dit-il sobrement, sans colère.
Des centaines d’hectares en fumée
Cet homme venait de passer des heures, tronçonneuse à la main, à dégager des passages et à couper des chablis avec les ouvriers de son exploitation. Il n’avait pas eu le temps de se plaindre. Il répondait à la violence de la nature par le travail de ses mains. Agnostique et bon vivant, artiste, chasseur et contemplatif, il ne perdait pas son énergie à chercher des coupables. Il ne philosophait pas sur le dérèglement climatique. Il allait à l’essentiel, selon lui : "La nature est plus forte que nous." La chose était dite sans acrimonie.
Quelques années plus tard la forêt martyrisée n’avait jamais été aussi belle. Les cuistres appellent cela résilience.
Il me raconta ce jour où, voici plusieurs décennies, des centaines d’hectares de pins étaient partis en fumée autour de chez lui, de l’impression de mort qui alors imprégnait tout, de cette odeur de fin du monde, de cette crainte de tout perdre, de ce désir de tout abandonner ; mais il me dit surtout que ce qui l’avait le plus frappé était la vitesse avec laquelle la forêt incendiée avait ressuscité : un an après le sinistre, les fougères n’avaient jamais été aussi hautes, les chênes étaient repartis magnifiquement (ce n’était certes pas le cas des pins) et les genévriers grandissaient comme jamais. Les chevreuils aussi, attirés par les herbes plus riches et les repousses d’arbres, n’avaient jamais été aussi nombreux et aussi resplendissants. Quelques années plus tard la forêt martyrisée n’avait jamais été aussi belle. Les cuistres appellent cela résilience.
Parachever l’œuvre de la création
Mon ami n’est pas un cuistre. Il n’est pas non plus climatosceptique. Comme tous les forestiers, tous les agriculteurs, tous les vignerons, il combat en première ligne, subissant un bouleversement climatique dont il n’est pas le coupable, mais la victime quotidienne. Il ne s’en révolte pas. "Je m’adapte", dit-il. Il reconnaît que les catastrophe provoquent la ruine de certains : les pins qui brûlent, c’est la retraite qui fond. Cependant, il assume la place que Dieu nous a donné sur la terre. Il ne capitule pas. Lui qui ne va pas à la messe consacre sa vie à parachever l’œuvre de la création. Il ne cesse de la rendre plus belle. Il l’aime de tout son cœur. Pendant que nous prenions un verre dans sa cuisine, devant une fenêtre qui s’ouvrait sur un désordre d’arbres brisés, il déclara à la cantonade : "Nous allons réparer tout ça."