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"Si je crois en Dieu ? Oui, quand je travaille." Le mot de Matisse est connu, mais chacun a eu tendance à donner à ce "Dieu" le sens qu’il voulait : simple allégorie du génie créateur ? allusion vague à une divinité par un peintre qui se reconnaissait plutôt dans le bouddhisme ? véritable acte de foi de celui qui déclarait au New York Times en 1948 qu’il avait toujours chanté la gloire de Dieu et de sa création ?
En racontant, avec son goût de l’anecdote et sa verve habituels, les circonstances de la construction de la chapelle de Vence, que Matisse considérait comme son chef-d’œuvre et l’aboutissement de tout son art, le frère Philippe Verdin aide à y voir clair. Son Dernier fleurt d’Henri Matisse (Cerf), nourri de la correspondance du peintre et de nombreux témoignages, fait apparaître la profondeur d’un itinéraire indissociablement spirituel et artistique. "Fleurt" ? C’est le mot, avec cette orthographe, que choisit Matisse pour évoquer sa rencontre et son imprévisible compagnonnage avec Monique Bourgeois, qui fut sa garde-malade, puis, devenue la dominicaine sœur Jacques-Marie, sa confidente, son inspiratrice et son soutien : "C’est une sorte de flirt, j’aimerais écrire fleurt, car c’est comme si nous nous jetions des fleurs à la figure, des roses effeuillées."
La chapelle de Vence
Sans sœur Jacques-Marie, pas de chapelle de Vence, sans doute. Tandis que Picasso criait à l’imposture, qu’Aragon croyait son ancien camarade du Parti envoûté par une nonne à la solde des curés, Matisse mettait ses dernières forces dans ce projet qui avait sans doute germé pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il avait vécu une guérison qu’il n’hésitait pas à rapprocher d’une résurrection, tant les souffrances endurées et l’imminence de la mort furent grandes.
Pour cette chapelle, ses vitraux et ses chasubles, Matisse renonça à tous ses autres travaux pendant trois ans.
Pour cette chapelle, ses vitraux et ses chasubles, Matisse renonça à tous ses autres travaux pendant trois ans. "Matisse sacrifie 800 millions pour sœur Jacques, dominicaine" : le titre du Paris Match du 6 mai 1950 est éloquent, surtout s’il s’agit de donner voix à l’esprit du monde. Il est hautement probable, toutefois, qu’une partie des millions était offerte à Dieu plutôt qu’à sa servante. Que seraient les beaux yeux de la dominicaine s’ils ne reflétaient pas un peu Celui qu’ils aspiraient à contempler ?
Travailler dans l’Espérance
Croire en Dieu quand on travaille. La formule de Matisse ne vaut pas seulement pour l’artiste qui pressent la contradiction qu’il y aurait, au cœur de son acte créateur, à nier le Créateur. Si Pierre Michon l’étend à la littérature ("Quand j’écris, je crois en Dieu"), on gagne à l’appliquer même à un travail apparemment banal. Plus précisément, le chrétien peut la vivre dans un sens différent, non plus comme un pressentiment, mais comme un acte de foi. Cela revient à travailler dans une totale confiance en la fécondité possible de ce que l’on fait, y compris quand les fruits n’en sont guère visibles. Travailler dans l’Espérance, en somme, parce qu’on sait que l’homme plante et arrose, mais que seul Dieu fait croître. Cela vaut même pour l’Arbre de vie du vitrail de la chapelle de Vence.
Pratique :