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Réputée, et c’est vrai, pour être l’une des terres de mission les plus difficiles des antipodes, la Papouasie Nouvelle-Guinée a été longtemps le terrain d’évangélisation de prédilection des missionnaires du Sacré Cœur d’Issoudun. Avec le Savoisien Henri Verjus et le Père Bourjade, ancien as de la Grande Guerre, Mgr de Boismenu compose le trio héroïque qui a contribué à gagner au Christ ces populations cannibales.
Alain-Marie Guynot de Boismenu, né à Saint-Malo le 27 décembre 1870, descend d’une ancienne famille bretonne illustre depuis le XVIe siècle, qui s’est enrichie en devenant armateur, l’un des débouchés privilégiés de la cité corsaire. Mais, si, très jeune, l’enfant rêve de voyages lointains et d’embarquement, c’est le souci du salut des âmes qui le motive. En 1888, sûr de sa vocation d’évangélisateur, il entre au noviciat des missionnaires du Sacré Cœur d’Issoudun, jeune congrégation qui se dévoue spécialement à l’apostolat en Océanie. Il est ordonné prêtre à Bourges le 10 février 1895 et, après quelques années d’enseignement, part pour la Papouasie Nouvelle-Guinée en 1898.
Des tribus réputées anthropophages
Le pays est encore très mal connu, ses tribus belliqueuses sont réputées anthropophages et les prêtres qui partent rêvent tous de martyre. En fait, et même si les missionnaires qui suivent le premier d’entre eux, Henri Verjus, de dix ans l’aîné de Boismenu, connaîtront tous quelques frayeurs, et apprécieront, ou pas… , la blague consistant à leur servir du ragoût de chien en leur laissant croire qu’il s’agit de chair humaine, les conversions s’opèrent assez facilement mais d’abord par l’exemple. Verjus réussit à instaurer entre des peuplades pour lesquelles la guerre perpétuelle est un art de vivre en même temps qu’un jeu, une trêve de Dieu, concrétisée par la fondation de « villages de la paix de Jésus », initiative qui, après son décès, tout jeune évêque de Lemyre à 32 ans, pendant un séjour en Italie en 1892, facilitera beaucoup, tout comme ses travaux fondamentaux sur les langues locales, la tâche de ses successeurs.
Nommé supérieur de la mission locale dès 1899, Alain de Boismenu devient dans la foulée coadjuteur du premier vicaire apostolique du pays, Mgr Navare, évêque de Gabala. Lui-même sera consacré évêque de Béreina au Sacré Cœur de Montmartre lors d’un bref et unique retour en France le 18 mars 1900. Toute son existence sera désormais vouée à l’évangélisation des Papous et au développement d’un pays que les autorités coloniales protestantes dédaignent. S’inscrivant dans le courant romain désireux d’instituer un clergé local et de favoriser les vocations autochtones, il peut, une fois nommé vicaire apostolique au décès de Mgr Navare en 1912, se donner à ce but. En 1918, il fonde ainsi, avec l’assistance d’une femme d’exception, la mère Marie-Thérèse Noblet, la première congrégation féminine purement papoue, les Ancelles de Notre Seigneur. En 1937, il a la joie d’ordonner le premier prêtre papou.
Héros de BD
Plus heureux que son ami, le père Bourjade, que le climat et l’épuisement tueront en trois ans seulement, bien qu’en ces années 1920, la civilisation commence à toucher ces terres extrêmes, Mgr de Boismenu pourra voir grandir et s’épanouir son œuvre. Il quitte ses fonctions épiscopales en 1945 et se retire chez les Ancelles, à Koubouna, où il s’éteint le 5 novembre 1953, laissant le souvenir d’un des derniers grands évêques évangélisateurs de terres inconnues et aventuriers intrépides de l’histoire missionnaire de l’Église. Sa cause de béatification a été ouverte en 2014. Plus curieux, il a inspiré, sous le nom de Laurent de Boismenu, l’un des personnages de la bande dessinée Les exploits d’Odilon Verjus (Le Lombard) qui mêle de façon très libre son destin à ceux de Verjus et Bourjade, pareillement réécrits.