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Lorsque, sans doute en 538, Silvia (Sylvie) épouse à Rome son cousin éloigné, le sénateur Gordianus, elle doit avoir dix-huit ou vingt ans. Tous deux appartiennent à une très ancienne lignée patricienne, celle des Acilii Glabriones, derniers descendants de l’aristocratie républicaine. Converti dès les années 70 de notre ère, leur aïeul le consul Marcus Acilius Glabrio est mort pour le Christ, accusé du "crime d’athéisme", autrement dit d’avoir renié les dieux païens, en 83 ; depuis, la famille est un appui sans faille de l’Église. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle n’a pas émigré à Constantinople, comme l’a fait presque tout le patriciat, au IVe siècle, préférant aux grandes carrières politiques et militaires de la cour impériale le service plus discret de Dieu et de la papauté, maintenant que Rome ne tient plus la première place sur la scène du monde.
Lorsqu’elle épouse Gordianus, Silvia sait que ce mariage, comme cela se pratique dans les familles très pieuses, n’aura qu’un temps : quand elle aura assuré l’avenir de la famille, en donnant deux fils à son époux, le couple se séparera pour "vivre dans le saint propos", c’est-à-dire qu’ils entreront tous deux dans les ordres. Ce choix, qui nous parait étonnant, est alors courant, de sorte qu’il existe de véritables lignées sacerdotales, où l’on est prêtre, évêque, et même Pape, - Gordianus est l’arrière-arrière- petit-fils de Félix III - de père en fils, le sacerdoce étant accordé uniquement à des hommes séparés de leur femme.
Le jeune couple s’installe dans la vaste maison familiale entre obligations mondaines, prière et charité.
Silvia sait aussi qu’elle prend un pari sur l’avenir car les temps sont mauvais en ce VIe siècle, au point que certains, pensant la fin du monde imminente, refusent de se marier et d’avoir des enfants. Ce n’est pas le cas du jeune couple, qui s’installe dans la vaste maison familiale sur le Caelius et mène la vie qui est celle de leur milieu, entre obligations mondaines, prière et charité.
Deux fils vont naître, Grégoire en 540, et un autre dont nous ignorons le nom. Après quoi, Gordien et Silvia renoncent à la vie conjugale, même s’ils continuent de vivre dans la même propriété, assez vaste pour qu’ils ne risquent plus de tentations, la jeune femme se retirant dans ce que l’on appellera "l’oratoire de Sainte Sylvie" puis Santa Silvia al Celio.
Amour maternel, amour divin
Pour évoquer l’amour maternel, Grégoire racontera un jour cette anecdote, dont il est certainement le héros. Petit garçon, alors qu’il fait l’acrobate au bord d’une fenêtre d’un étage élevé, sa mère le rattrape à l’instant où il va tomber, commence, sous l’effet de la peur, par lui assener une paire de claques puis, pleurant de soulagement, le serre désespérément contre elle en le couvrant de baisers. Ce souvenir lui servira à illustrer ce que peut être l’amour divin qui, comme celui d’une mère, n’est pas altéré par le châtiment nécessaire.
Confidente de son fils, elle sait que celui-ci, après une peine de cœur juvénile, ne veut pas se marier et songe à la prêtrise.
Très attachée à cet aîné de santé fragile qui souffrira tôt de sérieux problèmes d’estomac, dont il finira par mourir, Silvia veille sur son alimentation, en bannissant les fruits et légumes achetés au marché, engraissés au fumier et potentiellement toxiques, pour le nourrir uniquement des produits du jardin familial qu’elle fait pousser avec amour.
Patronne de toutes les mères de prêtres
Confidente de son fils, elle sait que celui-ci, après une peine de cœur juvénile, ne veut pas se marier et songe à la prêtrise, choix que Gordianus refuse, poussant Grégoire vers la carrière politique où d’ailleurs, il s’illustrera, devenant le dernier grand préfet de la Ville et un administrateur hors paire, formation qui lui sera utile quand il sera pape et fera face aux pires difficultés. Sans doute est-ce elle qui convainc son mari de laisser le garçon suivre sa voie. Il faudra attendre 575, et la mort de son père, pour que Grégoire puisse résilier ses fonctions et fonder un monastère dans la propriété familiale. Silvia y mourra, peut-être en 592.
Dans ce cas, elle aura eu la joie d’assister au sacre pontifical de son fils, devenu pape le 3 septembre 590 mais ce n’est pas certain. Ce qui l’est, c’est l’amour filial du souverain pontife qui fera peindre dans l’église de son monastère Saint André du Caelius les portraits de ses parents, nous léguant ainsi l’image de cette mère forte, pieuse, chaste et abandonnée à la Providence qui sut l’aider dans sa vocation sacerdotale. À ce titre, sainte Sylvie est la patronne de toutes les mères de prêtres ; elle l’est aussi de ceux qui se dévouent pour aider les prêtres et prient pour les vocations.