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L’événement n’a pas fait grand bruit. Pourtant ce qui a rythmé la vie au Vatican tout au long du mois d’octobre est inédit. Le pape François célèbre ce dimanche 29 octobre la messe de clôture de la première session romaine du Synode sur l’avenir de l’Église, au lendemain du vote par les plus de 360 membres de ce synode d’un rapport de synthèse censé préciser les points d’accord auxquels ils sont parvenus, souligner les questions encore ouvertes et indiquer la manière dont ils entendent poursuivre le travail jusqu’à la session d’octobre 2024.
464 participants dont 365 membres (dont le Pape), c’est-à-dire ayant le droit de vote (une première pour les femmes, ndlr) se sont réunis un mois afin d’échanger sur les thématiques évoquées dans le document de travail Instrumentum Laboris, résultat des différentes étapes de consultations qui ont précédé l’assemblée générale : participation des femmes à la vie de l’Église, accueil et communion avec les personnes "divorcées remariées, polygames ou LGBT+", partage de la gouvernance, rôle des prêtres et des évêques…
Concrètement, les membres ont expérimenté une méthode de discernement inspirée en partie des jésuites, celle de la "conversation dans l’esprit", où les étapes très codifiées donnent la primeur à l’écoute, au silence et à la prière. Avec elle, chacun dispose du même temps de parole et peut s’exprimer librement sans jamais être critiqué frontalement. Le choix même de la forme et de la disposition des tables dans la salle Paul VI a là aussi manifesté une volonté d’ériger en principe l’égalité des membres. "Il n’y a plus de protocole au Vatican", témoigne un membre, un brin désorienté après s’être retrouvé par hasard à dîner en face du secrétaire d’État Pietro Parolin lors de la retraite de lancement. Cette méthode, critiquée par certains pour sa rigidité ou sa tentation de vouloir "canaliser l’Esprit saint", a pour d’autres la vertu d’obliger les opposants à s’écouter dans un climat apaisé.
"Jeûne" de la parole publique
Les participants ont été invités à vivre cette assemblée sous la forme d’une retraite spirituelle théoriquement détachée de toute pression médiatique. Une spécificité de ce Synode a donc été le "jeûne" de la parole publique demandé par le Pape aux membres. Globalement respectée par les membres, la demande a créé une sorte de fossé autour de la Salle Paul VI où se réunit l’assemblée, les briefings organisés par le Saint-Siège n’offrant à la presse qu’une vision synthétique et désincarnée des réflexions internes. "Le temps du synode n’est pas le temps du monde extérieur", souligne un évêque français, qui considère à rebours que le traitement médiatique n’a que peu influencé les discussions.
Les conversations se sont toutefois situées en résonance avec l’actualité et les évolutions de la société, dépassant donc le simple périmètre d’un "Synode sur la synodalité". Parmi les thèmes les plus sensibles, la question des droits des ‘LGBTQ+’ a été abordée, avec l’utilisation désormais banalisée de cet acronyme. Certaines critiques ont pu porter sur la coloration trop ‘occidentale’ du Synode. Des membres venus d’Afrique ou bien d’Asie ont pu exprimer des attentes ou des conceptions de la synodalité différentes.
Effacer les différences hiérarchiques
Il est un détail technique qui a marqué à l’unanimité les participants. Les fameuses tables rondes autour desquelles se déroulaient les travaux. Le Synode était conçu en effet pour effacer les différences hiérarchiques. Ainsi les cardinaux côtoyaient les catéchistes laïcs, les archevêques étaient assis à côté des religieuses. Et si le premier jour, les prélats portaient leur barrette rouge, ou leur calotte violette, très vite, ces attributs ont été abandonnés pour le simple clergyman. De fait, dans ces échanges sur un pied d’égalité, aucune personnalité, ou presque, ne s’est dégagée.
Les premiers jours d’octobre étaient pourtant annonciateurs d’une tempête. Le 2 octobre, le Pape a en effet fait le choix de publier une réponse aux dubia – doutes, en latin – de cinq cardinaux conservateurs sur des thèmes aussi sensibles que l’ordination des femmes ou bien la bénédiction des couples homosexuels. "Ce fut une manière habile d’évacuer le sujet en proposant des réponses pastorales", note un observateur, qui assure que les membres du Synode n’ont pas été obnubilés par ces sujets durant le mois de travail. Sur demande expresse du Pape, ils étaient par ailleurs tenus au "silence". Une consigne globalement respectée.
À l’intérieur de la Salle Paul VI toutefois, des tensions ont pu apparaître – les organisateurs ont toujours préféré user du mot « différences ». Parmi les plus réformistes, certains se sont montrés inquiets devant la force d’inertie de l’Église sur les questions sensibles. "C’est un Synode sur la synodalité mais on ne peut jamais avancer seulement sur la ‘forme’, on doit aussi pouvoir avancer sur ‘du fond’", confie un évêque germanophone. "Les Allemands se font discrets dans la salle, ils agissent plus en sous-main", s’agace de son côté un évêque d’un autre pays, conscient que les Allemands sortent à peine de leur chemin synodal durant lequel un vaste plan de réformes a été voté.
Et maintenant ?
Inauguré en 2021 au niveau local puis continental, il ne se conclut pas avec cette première assemblée romaine mais est d’ores et déjà tourné vers la seconde session d’octobre 2024. Le rapport de synthèse publié samedi 28 octobre donne le cap. Mais "le temps est supérieur à l’espace", affirme régulièrement François. Les organisateurs ont ainsi veillé à laisser du temps aux participants pour écouter et s’exprimer. Leur travail va désormais se poursuivre pendant les onze prochains mois au niveau local. Un "temps de germination" indispensable.