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La vocation d’écrivain, une leçon de Thomas Merton

THOMAS-MERTON

Père Thomas Merton.

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Xavier Patier - publié le 23/10/23
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Converti, le poète Thomas Merton, devenu cistercien, consentit à sa vocation à l’écriture. Pour lui, l’art nous extrait du péché pour nous conduire à Dieu, explique l’écrivain Xavier Patier.

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Thomas Merton, fils d’un Quaker américain, poète et romancier prolifique, converti au catholicisme, puis devenu trappiste pour changer sa vie d'écrivain et se consacrer exclusivement à la vie contemplative, fut confronté à cette exigence qui marque si souvent nos vies spirituelles : Dieu ne cessa de lui demander de renoncer à l’idée superbe qu’il se faisait sa conversion, pour faire le sacrifice de son propre sacrifice. Nous nous faisons souvent une représentation de notre conversion qui n’est pas celle de Dieu.

Nous devons, jour après jour, subir ce dépouillement absolu qui est la conversion de notre conversion. Aux prêtres ouvriers qui avaient décidé de tout sacrifier pour s’enfouir dans la masse au travail, il fut demandé ce sacrifice suprême qui était de renoncer à leur propre idéal de renoncement et de quitter l’usine. 

L’obéissance préférée au sacrifice

Son père abbé demanda à Thomas de continuer à écrire, lui affirmant même, ce qui n’était pas sans ironie, que sa "vocation" était d’écrire. Thomas s’était retiré au monastère pour ne plus écrire, et c’est dans ce lieu qu’il lui fut demandé d’écrire davantage.

On pense à ces cadres supérieurs qui décident de changer de vie, de quitter leur bureau et leur ordinateur pour se consacrer à l’élevage des moutons dans la montagne et qui, après quelques années, sont devenus malgré eux présidents du syndicat d’éleveur du département et se retrouvent occupés à traiter des dossiers dans un bureau, derrière un ordinateur. 

Mais il y a autre chose. Thomas, devenu frère Louis, obéit à son père abbé. Il resta écrivain. Il le fut même plus que jamais. C’est cette obéissance préférée au sacrifice qui  nous permet aujourd’hui de lire des livres essentiels comme La Nuit privée d’étoiles (1948), ou Nul n’est une île (1955). Ces livres qui nous aident à vivre qui n’aurait pas été écrits si un supérieur avisé n’avait exigé de Merton qu’il les écrivît pendant les temps dédiés à l’oraison. 

L’art nous extrait du péché

Quel mystère ! Existe-t-il un art possible, une littérature vraisemblable, un poète crédible sans le péché ? Pouvons-nous devenir saint sans renoncer à noircir du papier ? Green et Mauriac se sont inlassablement posés la question, et Merton aussi, sans jamais renoncer à leur vocation d’écrivain. Le Christ lui-même a-t-il jamais écrit un poème, peint un tableau ou composé une mélodie ? Nul ne le sait, au fond. En prenant notre condition d’homme, Jésus ne peut qu’avoir connu cette émotion qui nous saisit devant un beau paysage, au point qu’il nous faut à tout prix le décrire ou le dessiner. Pleinement homme, Jésus a vécu comme nous la douloureuse douceur de l’émotion poétique. Mais il n’en parla presque pas à ses disciples. 

Pour Merton, l’art nous extrait du péché pour nous conduire à Dieu. "L’art nous permet de nous découvrir et de nous aimer en même temps", écrit-il. Formule géniale, qui nous fait songer à Blaise Pascal :

Si tu connaissais tes péchés, tu perdrais cœur. Je le perdrai donc, Seigneur. Non, car moi par qui tu l’apprends t’en peux guérir. Tes péchés te seront pardonnés à mesure qu’ils te seront révélés.

L’art de l’écrivain chrétien n’est pas un art censuré : il est une création qui ne révèle le péché que pour nous en délivrer. 

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