Nous assistons depuis le 7 octobre 2023 à une tragédie terrible, au-delà de l’imaginable, pire que les films d’horreur les plus cruels : une série d’attaques terroristes du Hamas près de la frontière avec la bande de Gaza tue plus de 1.400 civils juifs innocents, parfois brûlés vifs, torturant des parents devant leurs enfants, mutilant des bébés, prenant 200 personnes en otage. L’extrême de la cruauté semble avoir été atteint, rappelant les pires heures de l’histoire. Israël réplique par l’opération « glaive de fer », en imposant un blocus de la bande de Gaza et en lançant des milliers de bombes, entraînant la mort de plus de 5.000 personnes et le déplacement de 1,5 million de civils palestiniens. Aujourd’hui, en représailles à ces actes barbares, parce qu’il faut bien éradiquer les terroristes terrés à Gaza, les bombardements s’intensifient sur cette enclave palestinienne encerclée depuis quinze jours, atteignant des marchés, des hôpitaux et même des églises, au risque de voir mourir des centaines de milliers de gazaouis, hommes, femmes et enfants. L’invasion terrestre qui va suivre sera très sanglante des deux côtés.
Une juste voie difficile à trouver
Le directeur de l’ONU Antonio Gutteres dénonce la situation absolument catastrophique dans la bande de Gaza, expliquant que les hôpitaux sont submergés et que des enfants meurent à un rythme inquiétant. Il appelle à « agir maintenant pour mettre fin au cauchemar ». Il invite à un cessez le feu humanitaire et à libérer les otages. À la fin de sa prière de l’Angélus de ce dimanche 22 octobre, le pape François a lancé un cri : « Arrêtez-vous, arrêtez ! » Mais ces divers appels ne sont pas entendus. La spirale de la guerre pourrait engendrer une extension du conflit au Liban et à l’Iran.
Agir avec justesse est très difficile car nous sommes remués au plus profond de notre sensibilité et de nos entrailles, d’autant plus que ce drame a des répercussions en France.
Quelle juste voie trouver dans cette série d’horreurs ? Agir avec justesse est très difficile car nous sommes remués au plus profond de notre sensibilité et de nos entrailles, d’autant plus que ce drame a des répercussions en France. L’assassinat de l’enseignant Dominique Bernard, poignardé à mort le 13 octobre dernier par l’un de ses anciens élèves, musulman devenu islamiste, rappelle douloureusement l’assassinat de Samuel Paty trois années auparavant. Par ailleurs, se succèdent ces derniers jours des alertes à la bombe à répétition, des manifestations propalestiniennes violentes, imprégnées de relents d’antisémitisme, avec des drapeaux israéliens brûlés, favorisant des amalgames entre musulmans et islamistes, qui créent un sentiment de rejet de millions de musulmans vivant en France. Ces divers anathèmes, parfois attisées des deux côtés par certains responsables politiques irresponsables, risquent fort d’accentuer des divisions déjà profondes au sein du peuple français.
Dénoncer et apaiser
Que faire alors ? Cette tribune ne cherche pas à proposer une solution politique. Mais deux attitudes me paraissent nécessaires : dénoncer et apaiser. Il faut dénoncer les actes terroristes du Hamas et l’antisémitisme sous ses différentes formes, sans craindre les mots. Il faut que tous, incluant les responsables musulmans en France et dans le monde, dénoncent sans ambiguïté les horreurs auxquelles conduit l’islamisme. Il faut aussi oser dénoncer les prises illégales de terrain par les colons israéliens en Cisjordanie qui ne cessent de s’étendre. Au début de l’été 2023, le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu, dirigé par la droite nationaliste et l’extrême-droite, a pris des décisions encourageant la colonisation des territoires occupés depuis la guerre des Six-jours en 1967, présageant la possible annexion totale de la Cisjordanie. Ce territoire, peuplé de 3,3 millions de Palestiniens, est devenu un gruyère, rendant de plus en plus compliquée la création un jour d’un État indépendant. Nous sommes bien loin des Accords d’Oslo signés le 13 septembre 1993 entre Yasser Arafat, président de l’OLP (Organisation pour la Libération de la Palestine) et Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, en présence du président Bill Clinton, qui avaient posé les principes et les étapes d’une paix durable entre les deux peuples.
Au-delà de ces messages d’apaisement, seul l’amour vaincra la révolte, la haine et la vengeance.
Au-delà de la dénonciation, il faut pouvoir apaiser. Il convient à ce titre de saluer la maturité française, qui a toujours eu une position équilibrée, affirmant le droit d’Israël à une existence en paix et en sécurité, et la nécessaire reconnaissance d’un État palestinien indépendant. Ne pas avancer dans ce sens, les uns voulant rayer les autres de la carte, n’aboutira qu’à la perpétuation d’une guerre sans fin. Apaiser, c’est aussi réaffirmer qu’une laïcité positive est celle qui permet à chaque citoyen de pratiquer sa religion ou son athéisme, sans imposer leur loi dans la République. En ce sens, il est essentiel que les responsables musulmans en France montrent ou redisent autant que nécessaire en quoi la pratique de la religion musulmane est compatible avec la République.
« Si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien »
Au-delà de ces messages d’apaisement, seul l’amour vaincra la révolte, la haine et la vengeance. Il me vient de terminer cette tribune par ces mots tirés de l’homélie de Mgr Leborgne lors des funérailles de Dominique Bernard :
« Répondre à la barbarie par la barbarie, c’est donner raison à la barbarie [...]. Ceux qui se réclament de Dieu pour justifier la violence trahissent odieusement le Dieu dont ils se réclament [...]. Comme j’aimerais que chacun d’entre vous puisse faire l’expérience qu’a faite saint Paul, cet amour plus fort que toute violence [...]. “J’aurais beau avoir la foi jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien” ».
Alors, dans cette période troublée, au cœur de ce drame israélo-palestinien, qui rappelle aussi d’autres guerres, en Ukraine, en Arménie ou ailleurs, puissions-nous trouver en nous la source de l’apaisement, qui ne viendra que de l’amour. La plupart d’entre nous ne pouvons pas agir directement sur le conflit en Terre sainte. Nous pouvons en revanche être source d’apaisement et d’espérance autour de nous dans nos villes, nos écoles, nos entreprises, nos associations, notre pays.