Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
C'est un tout petit village d'environ 200 âmes et pourtant, s'y dressent fièrement les vestiges d'une abbatiale romane dont la splendeur résiste tant bien que mal à l'effondrement. Situé au cœur de Saint-Laurent-l'Abbaye, dans la Nièvre, cet édifice classé au titre des Monuments Historiques est en piteux état. Fondé à la fin du VIe siècle et situé sur la route de Saint-Jacques de Compostelle, le monastère dépendait de l'abbaye Saint-Hilaire de Poitiers et fut érigé en abbaye au XIe siècle.
Témoin de batailles acharnées au fil des siècles, pillée pendant la guerre de Cent ans par les Armagnacs, elle résiste à tout jusqu'en 1816, où un orage entraîne un violent incendie et la détruit partiellement. De l'église, ne restent alors que son portail, le transept, le chœur et une chapelle. En 1944, c'est le coup de grâce : son clocher s'affaisse du fait d'un mauvais entretien, après l'effondrement d'un pilier central fragilisé de longue date.
Bien qu'inutilisable, l'abbaye reste chère au cœur des habitants du village, et plus particulièrement de Jeanne Pautrat. Cette enfant du pays, fervente amoureuse de l'abbaye, décédée à l'âge honorable de 104 ans en février 2022, a décidé de léguer tout son patrimoine, soit un million d'euros, à la Caisse pour les Monuments et les Sites de la Nièvre (Camosine) afin qu'il soit alloué à la restauration du site. "Ce legs a été le coup d'envoi de ce projet de restauration", déclare à Aleteia Jacques Mansuy, président de la Camosine. Car si la somme est conséquente et permet d'ores et déjà d'amorcer le chantier de reconstruction du clocher, celui-ci est en réalité estimé à au moins cinq ou six millions d'euros. Le million d'euros de Jeanne Pautrat se substitue à la subvention de la commune, dont le budget ne permet qu'une participation infime.
Un coup de pouce des États-Unis ?
Reste donc à trouver des subventions externes. L'édifice étant classé au titre des Monuments historiques, l'État ainsi que la région pourront contribuer à un projet de restauration, voire le Conseil départemental. La Camosine compte par ailleurs chercher de l'aide auprès de la Fondation du patrimoine, en postulant à son fameux Loto du patrimoine organisé chaque année en septembre.
Et pourquoi ne pas dépasser les frontières françaises ? C'est en effet aux États-Unis que pourrait se trouver un soutien majeur pour ce projet ambitieux. Le musée d'art de Philadelphie est l'heureux propriétaire, depuis 1928, du portail de l'abbaye. En 1793, beaucoup de biens ecclésiastiques sont dépecés et revendus aux enchères : le portail n'échappe point à cette tendance malheureuse et passe alors dans le domaine privé. Le début du XXe siècle voit la popularité de l'art roman monter en flèche outre-Atlantique. Des églises entières, notamment dans le sud de la France, sont démontées pour être reconstruites pierre par pierre sur le sol américain. C'est un antiquaire parisien qui rachète le portail de Saint-Laurent en 1922, avant de le revendre en 1928 à un mécène américain. "Bien sûr, nous ne pouvons pas récupérer ce portail, mais nous aimerions pouvoir entrer en contact avec les mécènes du musée pour les convaincre de participer à cette aventure", confie Jacques Mansuy. "Nous voulons les intégrer pleinement à ce projet. S'ils consentent à nous aider, nous aimerions leur proposer comme une sorte de jumelage, quelque chose qui les lie définitivement à l'histoire de cette abbaye. Nous sommes sur de beaux vignobles de Sancerre, de Pouilly-Fumé... Pourquoi ne pas leur faire découvrir le “French way of life” lors d'un tour ?"
La question de l'usage
Si rien n'est encore défini, la question de l'usage de l'abbaye une fois restaurée se pose. Actuellement, seule une grande pièce attenante à l'abbaye permet de célébrer la messe occasionnellement, lors de la saint Laurent. Cette chapelle donne directement sur le cimetière, au pied de l'abbaye. "La dimension cultuelle est bien évidemment intégrée à ce projet" assure M. Fournier, maire de Saint-Laurent. "Nous souhaitons rendre l'église au culte, même si ce n'est que de temps en temps." "Bien sûr, lorsqu'il faudra réaménager l'espace, nous devrons nous poser la question de l'usage de l'église en dehors du culte avec le clergé", explique quant à lui Jacques Mansuy, qui veut faire du chantier en tant que tel un moyen de revalorisation du patrimoine.
Un chantier collaboratif
"Nous ne sommes pas pressés, le chantier ne pourra de toutes façons pas débuter avant minimum fin 2024. Ce qui est important, c'est que cette restauration soit aussi un point d'attraction au niveau local. Nous voulons créer un vrai lieu de vie autour du chantier, avec une dimension collaborative, en impliquant la population, les touristes, les écoles... pour les inviter à se réapproprier l'histoire de ce pays." La restauration permettrait notamment de donner une place à l'archéologie, ou à des initiatives d'insertion et de service civique, comme le propose l’association Rempart. "L'abbaye est une plaie béante. Nous voulons panser cette plaie et combler ce gouffre entre les ruines et la population", achève Jacques Mansuy.