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"J’ai eu tellement honte que je n’ai pu effacer cet épisode de ma mémoire." De quel épisode s’agit-il ? D’un souvenir de jeunesse, celui qu’évoquait il y a quelques années le philosophe allemand Robert Spaemann (1927-2018) (Nul ne peut servir deux maîtres, 2012). Alors âgé de 15 ans, lycéen à Cologne, il voit un vieux monsieur portant une étoile juive se faire chasser de sa place dans le tramway : "Vous les juifs, laissez la place aux autres." Le jeune garçon voit immédiatement que l’action qui s’impose à lui est de laisser sa place au vieil homme, cependant la peur des nazis circulant dans la rue est telle qu’elle le laisse cloué sur son siège.
Mais à partir de ce moment, sa fureur contre la peur qui l’avait paralysée fut telle, qu’il ne se donna plus de repos tant qu’il n’aurait pas découvert et compris ce qui se passait avec les juifs qui étaient déportés. Ce fut le début de son engagement politique. Quelques temps plus tard, il dessine sur un mur du lycée une grande caricature d’Hitler soulignée d’une apostrophe : "Au fossoyeur de l’Allemagne".
"Je dois parler"
La directrice nationale-socialiste de l’école de filles décide de faire venir la Gestapo sur le champ pour mener l’enquête. Mais le directeur, quoique membre du parti, s’empresse d’effacer le dessin pour protéger le jeune garçon. La directrice s’en aperçoit, et exprime son mécontentement : "Comment désormais trouver l’auteur du crime ?" Le directeur répondit : "Il s’agissait d’une propagande anti national-socialiste. Nos élèves ne doivent pas voir cela. Cela devait être enlevé immédiatement." C’est ainsi que le jeune Spaemann eut la vie sauve.
Il fut aussi extrêmement marqué par la figure de l’évêque de Münster, Mgr von Galen, qui durant toute la guerre s’éleva contre les crimes commis par les nazis. Celui-ci, sachant qu’il encourait arrestation et exécution affirmait : "Je suis évêque et je dois parler." Devant la propagande allemande appelant à la destruction des villes ennemies, il lance :
On ne console pas une mère allemande qui a perdu son enfant en déclarant que l’on va tuer l’enfant d’une mère anglaise.
Des années après, on retiendra que face à la détresse humaine, où qu’elle se trouve, dans le nord de l’Europe comme autour de la Méditerranée, le véritable ennemi est la peur. Peur pour soi, peur pour les siens. On se souviendra d’un jeune garçon qui s’est juré de ne plus avoir peur. D’un directeur qui a surmonté sa peur des partis. D’un évêque qui n’a pas craint de se voir reprocher de ne rien comprendre à la politique.