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"Combien de fois dois-je lui pardonner ?" (Mt 18, 21.) C’est Pierre qui vient poser la question à Jésus sur le pardon qui doit être accordé au frère qui a commis des fautes contre un autre frère. Pierre qui recevra l’autorité de la part du Seigneur sur la communauté naissante. Pierre qui conduira l’Église à la suite du Christ. Pierre qui fera aussi l’expérience du pardon gratuit du Seigneur après l’avoir renié trois fois. La question posée par l’apôtre Pierre évoque ainsi les relations entre frères, entre membres d’une même famille ou encore membres d’une même communauté. Pierre a fait l’expérience dans sa propre vie comme dans celle des disciples du Christ de la capacité de l’homme à ressentir ce que saint Paul encouragera à faire disparaître de notre vie : "Tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix ou insultes, ainsi que toute espèce de méchanceté" (Ep 4, 31).
Dieu se laisse toucher
Pierre s’approche de Jésus pour lui poser une question. N’est-ce pas ce qu’il convient de faire toujours en toute circonstance ? S’approcher de Jésus pour tout recevoir de lui. S’approcher de Jésus pour se laisser sans cesse enseigner par lui qui a les paroles de la vie éternelle (Jn 6, 68). S’approcher de Jésus pour apprendre comment doit vivre un disciple du Christ. S’approcher de Jésus pour lui demander de nous éclairer de nous guider de nous conduire. Il s’agit de se laisser soi-même toucher par l’attitude du Maître et de s’en inspirer. Comme l’écrivait saint Charles de Foucauld : "En toute circonstance se demander ce que ferait Jésus et alors le faire."
Dieu se laisse toucher en plein cœur par l’attitude de l’homme à genoux devant lui implorant sa miséricorde.
Dans cette parabole, Jésus nous révèle ainsi comme est bon et miséricordieux le Seigneur Dieu. Comme ce maître dans l’Évangile, Dieu, sans se lasser, patiente et prend pitié lui qui est tendre et miséricordieux, lent à colère et plein d’amour (Ex 34, 6). Il est saisi de compassion devant l’homme qui se tourne vers lui et le supplie. "Un pauvre cri, le Seigneur entend" (Ps 33, 7). N’est-ce pas encore ce que décrit le psalmiste : "Le sacrifice qui plaît à Dieu, c'est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé" (Ps 50, 19). Dieu se laisse toucher en plein cœur par l’attitude de l’homme à genoux devant lui implorant sa miséricorde. Car "Dieu est riche en miséricorde à cause du grand amour dont il nous a aimés" (Ep 2, 4). Et quand on aime, on ne compte pas ! Non pas sept fois mais 70 fois sept fois (Mt 18, 22), c’est-à-dire chaque fois.
Nous sommes tous des pécheurs
Si tel est Dieu envers l’homme, telle doit être aussi l’attitude fondamentale des disciples de Jésus envers tous leurs frères. "Lorsque mon frère commettra des fautes, combien de fois dois-je lui pardonner ?" (Mt 18, 21). Pierre parle de son frère, c’est-à-dire de la communauté des disciples. Il fait l’expérience dans cette petite communauté qui préfigure l’Église, des risques de divisions, des tensions qui peuvent exister, des conflits inévitables. Il sait que tous, comme lui-même sont pécheurs. Dans toute communauté comme dans celle que nous formons, il n’y a que des pécheurs. Nous sommes tous en chemin et nous avançons avec ce que nous sommes, nos tempéraments, nos sensibilités, nos histoires, nos souffrances, notre péché. Mais lorsque nous nous laissons aller aux bavardages, aux commérages, aux jugements hâtifs, aux paroles blessantes, aux condamnations violentes contre des frères, comme l’homme de l’Évangile vis-à-vis de son débiteur, c’est le signe que nous avons oublié qui nous sommes et d’où nous venons.
Nous sommes tous des pécheurs, c’est la meilleure définition de ce que nous sommes.
Nous sommes tous des pécheurs, c’est la meilleure définition de ce que nous sommes, dira le pape François. Raison de plus pour, en communauté, garder les yeux fixés sur Celui qui nous a fait miséricorde et qui nous a sauvés de la mort et du péché révélant ainsi l’amour dont il nous a aimés. Lorsque nous oublions qu’à nous aussi il a été fait miséricorde, c’est là que nos relations fraternelles risquent de se détériorer et de s’abimer. Dans la première lecture, l’auteur écrit ainsi que si nous pardonnons, notre prière sera entendue (Si 28, 2). Si nous aimons à la manière de Dieu alors nous serons nous aussi pardonnés et guéris. Notre manière d’être avec nos frères est chemin de guérison et de paix pour nous-mêmes. C’est encore ce qui sera dit de la femme pécheresse : "Ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour" (Lc 7, 47).
Vivre en cohérence avec notre foi
Enfin, nous dit la parabole, certains sont attristés en voyant l’attitude de celui à qui le maître avait remis sa dette (Mt 18 , 31). Il est devenu objet de scandale pour ceux qui le connaissent. "Ne soyez un obstacle pour personne, ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l’Église de Dieu", dira saint Paul (1 Co 10, 32). Il nous faut ainsi vivre chaque jour en cohérence avec notre foi. Il nous faut toujours veiller à l’unité de nos paroles et de nos actes, nos manières d’être et de faire et notre foi concrète pour ne pas être objet de scandale pour les autres. "À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres" (Jn 13, 35). Et "si quelqu’un dit : “J’aime Dieu”, alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère" (1 Jn 4, 20-21). Qu’en ce début d’année pastorale, en communauté nous sachions nous engager sur ce chemin. C’est alors que nos communautés seront missionnaires et appelantes.