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18 août 2015, Palmyre, Syrie. L’homme est à genoux, il attend que le tranchant de la lame tenue par l’assassin glace son sang et ôte sa vie. Il est séquestré depuis un mois, depuis que les terroristes, camés et cinglés du soi-disant État islamique, sont arrivés aux portes de la ville. Eux qui ne savent ni lire ni écrire découvrent ce septuagénaire à la retraite qui pendant quarante ans fut conservateur du site. Archéologue considérable, il remonta en 2001 à la lumière de l’Histoire des vestiges magnifiques de la dynastie des Sassanides qui régnait sur la Perse avant la conquête musulmane. La perle de ses découvertes, en 2003, fut une mosaïque du IIIe siècle. Khaled Assad aimait tellement Palmyre qu’il ne pouvait la quitter, même quelques jours. Il avait décidé qu’il y demeurerait, quel que puisse être l’intrus qui voudrait l’en déloger.
La folie islamiste
Face à l’avancée des barbares, il avait caché avec d’autres les plus belles pièces, les plus précieuses. Il savait que la folie islamiste ne peut se résoudre à la beauté et à la vérité. Le mal ne peut que s’enrager davantage lorsqu’il se retrouve menacé par la tranquille présence de ce qui est. Les tortionnaires le saisirent : tortures, insultes, menaces. Il ne répondit rien, ne dévoila rien. Accusé par un tribunal digne de l’Absurdie, d’être "directeur d’idoles" ou de participer à des "conférences infidèles"... Sa tête s’envola de son corps, lequel fut suspendu à un gibet jusqu’au pourrissement. Ses reliques furent retrouvées début 2021 parmi les restes de trois malheureux dont la droiture d’âme ne pouvait que rendre fous ceux qui se vendent au diable. Donner sa vie... non pas tant pour des choses mais pour l’inchiffrable richesse qu’elles contiennent.
Point de passage pour les caravanes qui traversent le désert, construite "bibliquement" par Salomon, Palmyre (ou Thadmor) atteint son apogée sous Hadrien. Protéger les trésors parvenus jusqu’à nous, c’est se souvenir que l’humanité ne se résume jamais à une génération ou une époque, et singulièrement pas celle qui nous est contemporaine. C’est chercher à procurer aux générations à venir la connaissance qui rassure et permet d’envisager demain. Comment vivre en effet si je ne comprends pas que ce que je suis est en partie lié avec ce que d’autres furent avant moi ?
Ils refusent de mentir
En rentrant de vacances, certains se souviennent de châteaux, d’églises, de forts, de musées, de dolmens ou de légendes racontées le soir venu par un ancien qu’on accepte d’écouter. Ce sont ces découvertes, ces rencontres, ces émotions qui nous rendent capables d’orienter nos désirs, nos enthousiasmes, nos projets pour vivre vraiment. Il faut penser à Khaled Assad, martyr pour l’Histoire, comme il faut penser aussi à Mortaza Behboudi, journaliste de 29 ans, franco-afghan au courage remarquable, qui croupit depuis janvier dans les geôles des talibans en Afghanistan. Oui, il faut penser à eux et à tous ceux qui comme eux refusent de mentir pour vivre, refusent de sacrifier l’avenir pour protéger le leur. Nous leur devons beaucoup, d’une manière mystérieuse car rien, en apparence, ne semble l’indiquer. Nous leur devons d’être, par la lumière de leur sincérité, les révélateurs des ténèbres qui, quoi qu’en disent certains milieux américains soucieux par exemple de présenter le régime de Kaboul comme en voie de normalisation, ne cessent de vouloir étendre leur empire sur les peuples et sur les cultures.
Le trésor absolu
Mais que représentait la mosaïque de Palmyre que le vieil archéologue contemplait chaque jour ? Le combat de l’homme avec une bête. Est-ce là que l’homme fatigué trouva la force de tenir dans cette lutte où l'enjeu est de demeurer homme devant les assauts de ce qui veut nous dissuader que nous ne l’avons jamais été ? Il reste à souhaiter que, partout, dans toutes les cultures et sous tous les tropiques, des hommes et des femmes soient de plus en plus nombreux à refuser le néant, sans penser qu’ils pourront y échapper en se repliant sur eux-mêmes et s’enfermant dans leurs citadelles intérieures. Mais qu’ils sauront, ceux-là, continuer de penser que la fidélité à sa conscience est le trésor absolu et précieux qui nous ouvre l’Éternité.