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"Je peux déclarer aujourd’hui qu’il n’est plus religieux jésuite", explique le père Johan Verschueren dans une lettre ouverte diffusée le 24 juillet 2023, 40 jours après la remise au père Marko Rupnik de son décret d’exclusion de la Compagnie de Jésus, signé par le père Arturo Sosa, préposé général. Le prêtre slovène, mosaïste réputé, a été exclu "en raison de son refus obstiné d’observer le vœu d’obéissance", avait annoncé la Compagnie de Jésus le 15 juin dernier. Il avait en effet voyagé hors d’Italie, alors qu’il faisait l’objet de restrictions sur ses déplacements en raison d’accusations d’abus sur plusieurs femmes.
Le délai de 30 jours prévu par le droit canonique pour faire recours de ce décret d’exclusion étant largement dépassé, la décision est désormais définitive, explique le père Verschueren. Il précise que le père Rupnik avait lui-même présenté en janvier 2023 une demande de sortie de la Compagnie de Jésus, mais que "cette requête n’a jamais représenté en aucune façon un ‘droit’ pour lui", étant donné que ses vœux "le liaient à un engagement d’obéissance à vie" à l’égard de sa congrégation.
La Compagnie a donc refusé sa requête, préférant le place devant « ses responsabilités face à de si nombreuses accusations, en l’invitant à entreprendre un parcours de vérité et de confrontation avec le mal dénoncé par tant de personnes qui se sont senties blessées », explique le père Verschueren, regrettant que le père Rupnik n’ait pas accepté d’entrer dans cette démarche.
À la fin de l’année 2022, après des révélations dans la presse italienne, les jésuites avaient admis que le père Rupnik avait été déclaré excommunié en 2020 pour avoir utilisé le confessionnal afin d’absoudre une femme avec qui il avait eu des relations sexuelles. Il s’était cependant repenti et avait vu la sanction rapidement levée.
Multiplication des témoignages à l’encontre du père Rupnik
Après ces révélations, neuf femmes ont accusé le célèbre mosaïste, dont les œuvres décorent des églises et sanctuaires du monde entier, d’avoir abusé d’elles sexuellement, psychologiquement et spirituellement dans les années 1990. L’Église considère que les faits sont prescrits, mais au moins quinze autres témoignages contre le Slovène seraient parvenus aux jésuites par la suite.
Selon la presse italienne, au printemps 2023, le père Rupnik, s’est rendu en Croatie et en Bosnie-Herzégovine pour inaugurer une fresque et en restaurer une autre. Il aurait ainsi transgressé les ordres émis par la direction jésuite, qui lui avait demandé de ne pas quitter l’Italie afin de collaborer aux enquêtes en cours.
"Je ne peux que regretter cette incapacité insistante et obstinée à affronter la voix de tant de personnes qui se sont senties blessées, offensées et humiliées par ses actions et son comportement à leur égard", écrit le jésuite belge, qui était le supérieur du père Rupnik en tant que délégué pour les maisons romaines et les œuvres internationales de la Compagnie de Jésus.
Il précise que la question de l’organisation d’un "procès qui puisse mener à la perte de l’état clérical de Marko Rupnik" ne relèverait pas de la compétence de la Compagnie de Jésus, mais du Saint-Siège. "Différents motifs, parmi lesquels les limites actuelles des normes relatives à des situations similaires, ne l’ont pas permis", regrette–t-il.
Si les abus sur mineurs ont fait l’objet d’une mise à jour du droit, les abus perpétrés par des prêtres sur des femmes adultes demeurent souvent dans une ‘zone grise’ sur le plan canonique, la notion de "personne vulnérable" laissant place à une grande marge d’interprétation.
Rupture avec le Centre Aletti
Le père Verschueren rappelle aussi le "ferme désir" de la Compagnie de Jésus de "prendre ses distances" vis-à-vis du Centre Aletti, notamment sur le plan juridique. Les jésuites, qui n’ont plus de membres résidents au sein de cette communauté, cherchent le meilleur moyen de révoquer leur lien avec cette institution, en collaboration avec le Vicariat de Rome, précise-t-il.
Le 17 juin 2023, la directrice du Centre Aletti, avait diffusé un communiqué dénonçant l’attitude de la Compagnie de Jésus qui aurait provoqué un "lynchage" médiatique à l’encontre du père Rupnik. Le religieux slovène avait participé au début des années 1990 à la fondation de cette institution basée à Rome et dédiée au rapprochement entre Églises d’Occident et d’Orient à travers l’art et la vie communautaire.