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Les lectures de vacances inachevées, un trésor inestimable 

LIVRES-BIBLITOHEQUE-LECTURE
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Xavier Patier - publié le 21/07/23
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Ouvrir un livre inachevé, l’été, dans une vieille maison de famille, est un plaisir inimitable. Il nous replonge dans un passé idéal, note l’écrivain Xavier Patier, en nous ouvrant à un futur qui reste à lire.

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On fait à la campagne des lectures qui seraient impossible à la ville. D’abord à la ville le temps manque, tandis qu’à la campagne, une fois qu’on a fait trois fois la navette entre le potager et la bibliothèque, que les confitures sont dans les pots, les vélos rangés, les amis repartis, on tourne en rond : on finit immanquablement par s’effondrer dans un fauteuil. Alors on ouvre un livre au hasard. Ensuite, justement, on trouve dans les maisons de campagne des livres qui n’existent pas à la ville.

Une terre jonchée de livres inachevés

Je viens ainsi de dévorer les souvenirs du général L’Hotte, Un officier de cavalerie, dans une édition de 1905, chez Plon. Ce livre broché, découpé seulement jusqu’au chapitre sept, avait dû être abandonné en route par son lecteur, un aïeul que j’imagine appelé par une urgence, qui oublia de finir sa lecture. L’ interruption intervient à la page 95 , au moment où le général — qui est encore chef d’escadron — vient d’introduire dans l’armée le trot enlevé et part pour Lyon pendant les journées de juin 1848. Voilà de quoi nourrir une interminable rêverie. 

Que s’est-il passé pour que le lecteur abandonne ? Ennui ? Désaccord ? Livraison de la dernière Revue des Deux Mondes qui fait oublier tout le reste ? Je songe aussi à ce beau titre d’un roman de Drieu La Rochelle : Rêveuse bourgeoisie. Ce roman clair-obscur publié à la NRF en 1937 décrit le crépuscule d’une famille peu avant que la guerre mondiale engloutît un monde dont on ne découvrit la candeur lumineuse que lorsqu’elle avait disparu. Elle laissait une terre jonchée de livres inachevés. 

En 1940, beaucoup de livres ont dû être laissés en route. Je me rappelle Maurice Schuman, ancien porte-parole de la France libre, que j’avais rencontré en 1988 dans une réunion destinée à préparer l’élection présidentielle, et qui avait fait cette confidence étonnante :

Le plus dur, quand je suis parti rejoindre De Gaulle à Londres 1940, c’est que je n’ai pu emporter aucun de mes livres. J’avais en tête des phrases de Mauriac, des vers de Péguy, mais aucun volume sous la main…

Dans son premier discours à la radio de Londres, il avait cité de mémoire, et un peu de travers, les premières lignes des Chemins de la Mer

Découper un livre

Tenir entre les mains un livre est un privilège dont nous ne mesurons plus le prix. Il est agréable de sentir sur sa peau une brochure qui a été touchée par une génération disparue, inspirant de sentir son odeur, délicieux de se saisir d’un coupe-papier et de découper les pages, d’achever le travail à la place des anciens qui nous voient. Parmi les plaisirs disparus — coller un timbre en le léchant, remettre une cartouche dans un stylo à encre, réparer une chambre à air avec une rustine, décalaminer le moteur d’un Vélosolex —, celui de découper un livre reste le plus subtil car il parle à la fois au nez, à l’oreille, à l’œil et à l’esprit. Il nous replonge dans un passé idéal en nous ouvrant à un futur qui reste à lire. 

Le verbe toujours neuf imprimé sur du vieux papier fait penser au Verbe toujours nouveau de la Parole de Dieu. Flaccus dans ses Odes nous exhorte à vivre chacun de nos jours comme s’il devait être le dernier. Le lectionnaire nous invite à l’inverse : ouvrir chaque page de nos vies comme si elle était la première.

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