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Frère Pacifique, la plume de saint François

Saint François d'Assise

Saint François d'Assise.

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Anne Bernet - publié le 09/07/23 - mis à jour le 09/08/23
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Il serait l’auteur du "Cantique des créatures". Poète accompli, il abandonne la gloire de l’artiste pour rejoindre les compagnons de saint François. Le bienheureux Pacifique deviendra provincial de France. Il est fêté le 10 juillet. 

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C’est bien connu, les "gens de lettres" constituent souvent une espèce détestable, imbue d’elle-même, égocentrique, jalouse, rancunière, capable de bassesses pour nuire à un confrère vu comme un rival. Il est aisé de constater, d’ailleurs, que l’Église n’en a guère porté sur les autels… À une exception près, très remarquable : le bienheureux Pacifique qui, la cinquantaine atteinte, âge plus que mûr au XIIIe siècle, retourné par sa rencontre avec François d’Assise, abandonnera tout pour le suivre. Tournant le dos à une carrière de poète célèbre, riche et idolâtré, il épousera non seulement "Dame Pauvreté" mais aussi Dame Humilité, et cela si parfaitement qu’il réussira à effacer toute trace de ses succès mondains et à disparaître dans l’ombre de son ami.

Le roi des versificateurs

En religion, François lui a donné en 1212, peu après leur rencontre, le nom de frère Pacifique. Comment s’est-il appelé auparavant ? Longtemps, les historiens l’ont identifié au poète Guglielmo Divini, mais, aujourd’hui, les spécialistes en doutent fortement. Ils sont un peu plus sûrs de sa date de naissance, vers 1158, à défaut d’être d’accord sur son lieu de naissance, qui pourrait être Asola Piceno, dans les Marches. Ce qui est sûr, c’est que le jeune homme possède un talent rare pour la poésie qui fait de lui le troubadour le plus célèbre et le plus admiré de son époque. Il mérite le titre envié de "roi des versificateurs". Ses succès sont immenses, notamment à la cour de l’empereur germanique, maître des Marches, qui s’est entiché de lui et le comble de cadeaux.

La vie est douce, facile, plaisante. Les troubadours chantent l’amour "courtois", ce qui ne veut pas dire platonique, la beauté des dames et le chantent si bien que, parfois, de nobles jeunes femmes, quoique mariées, succombent à leur charme, et à leurs chansons… Cela ne finit pas toujours bien, certains maris préférant occire le trop beau parleur et la chronique criminelle parle même d’une épouse adultère obligée, en guise de châtiment, de manger le cœur de son amant. Mais peut-être n’est-ce là qu’invention de poète… Ce qui est sûr, c’est que notre prince de la rime profite sans vergogne de tous les plaisirs de l’existence et de l’argent que son talent lui a mérité.

Des visions flamboyantes

Jusqu’en 1212 où, de passage à Ancône, il entend prêcher frère François, de retour de sa folle équipée en terre musulmane. Quelques phrases du Poverello suffisent à arracher le vieux poète, retourné d’un coup, à son existence dorée de pécheur. Il devient franciscain, ce qui le change, à l’évidence, de ce qu’il a connu avant. Cette conversion n’est point feinte, pas plus que les pénitences qui l’accompagnent et frère Pacifique marche à grands pas sur le chemin de la sainteté, au point de bénéficier bientôt de visions et d’extases, encore embellies par un art d’écrire qu’il n’a pas perdu sous la bure. Que voit-il ? La gloire de son ami François, et celle de l’Ordre naissant, raison pour laquelle les supérieurs les consigneront et prendront soin de les intégrer dans la biographie officielle du fondateur.

Ainsi voit-il un jour briller sur le front de François la lettre Tau, qui symbolise la croix que le Pauvre d’Assise aime tant prêcher, mais flamboyante de couleurs extravagantes qui rappellent, dit frère Pacifique, "les plumes chatoyantes du paon". Une autre fois, il est enlevé, extatique, jusqu’aux parvis célestes et contemple le séjour des bienheureux. Il voit les sièges magnifiques sur lesquels s’assoient les élus et s’étonne car, au tout premier rang, très proche de la sainte Trinité, un trône demeure inoccupé. Un ange lui révèle que cette place a été celle de Lucifer, premier des séraphins, et qu’elle reste vide depuis la chute du rebelle ; mais plus pour longtemps car quelqu’un viendra bientôt s’y asseoir : François, car il a mérité, par son humilité et son dépouillement, le rang suprême que l’orgueil a fait perdre au démon.

De l’orgueil, Pacifique n’en a plus, lui non plus. La preuve en est qu’il est très probablement le véritable auteur du Cantique de la Création, ce chef d’œuvre fondateur de la littérature italienne. Les spécialistes en sont presque sûrs ; si l’idée de base vient de François, ni le style ni la technique ne sont siens ; seul un professionnel très talentueux a pu composer ce texte admirable. Et Pacifique n’en revendique rien, lui a qui déjà laissé sombrer entièrement dans l’oubli son œuvre littéraire… Car désormais, seule l’imitation du Christ l’intéresse, le reste n’est que cendres sans valeur. Malgré l’âge qui vient, il prend peu à peu une place importante dans l’Ordre, non par ambition mais parce qu’il est instruit, lettré, bien disant, et surtout d’une ferveur exceptionnelle.

Fondateur des couvents du Puy-en-Velay, Paris et Lens

En 1223, François décide de fonder des maisons en France, pays qu’il aime, dont il parle la langue, qu’il a visité en sa jeunesse, quand il accompagnait son père aux grandes foires du Nord et dont, peut-être, sa mère est originaire. En réalité, ce choix n’a rien à voir avec la nostalgie et ce qui pousse le Poverello vers la France, c’est son admiration pour la dévotion eucharistique des Français, modèle pour le reste de la catholicité. N’ont-ils pas introduit l’usage de la génuflexion devant le tabernacle ? Donc, François veut fonder en France, et, flanqué de Pacifique et de quelques frères, il s’apprête à franchir les Alpes lorsqu’une lettre du cardinal Ugolin, patron de l’Ordre naissant, lui interdit de partir…

Déçu mais obéissant, François obéit. Pacifique ira seul. En trois ans, il fondera les couvents du Puy-en-Velay, Paris et Lens. En 1226, il regagne l’Italie, mais en repart très vite afin de retourner en France, installer les premières maisons de Clarisses. Devenu provincial de France, il meurt, probablement à Lens, le 12 juillet 1234.

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