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L’industrie pornographique serre les fesses. L’étau pour restreindre l’accès des mineurs aux sites pornographiques semble en effet se resserrer légèrement sur les géants du X. Cette semaine a tout du moins marqué une étape dans cet interminable feuilleton qui dure désormais depuis trois ans. Car depuis le 30 juillet 2020, la loi exige la mise en place d’un système de vérification de l’âge digne de ce nom pour accéder aux sites pornographiques. Un combat qui s’éternise.
Pourtant, il y a urgence. La fréquentation des sites pornographiques par des mineurs, qui plus est de plus en plus jeunes, ne cesse de progresser. Selon une étude de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) publiée en mai, 2,3 millions de mineurs fréquentent des sites pornographiques chaque mois. "Un chiffre en croissance rapide au cours des dernières années", souligne l’Arcom. Dès 12 ans, plus de la moitié des garçons se rend chaque mois sur ces sites, et ils sont près des deux tiers à s’y rendre entre 16 et 17 ans.
Premier signe d’espoir, le Sénat a adopté, mercredi 5 juillet, à l’unanimité en première lecture, le projet de loi pour "sécuriser Internet".
Parmi les mesures votées par la chambre haute figure la possibilité, pour l’Arcom, de bloquer et de déréférencer les sites pornographiques qui ne mettraient pas en place une vérification d’âge suffisante, ainsi que de prononcer des amendes significatives. L’Arcom pourra ordonner le blocage, sans passer par un juge, des sites pornographiques qui ne vérifient pas l’âge de leurs visiteurs. L’Autorité de régulation pourra également prononcer des amendes "dissuasives", allant jusqu’à 1% du chiffre d’affaires mondial hors taxe réalisé par l’entreprise concernée et à 2% en cas de réitération des manquements.
"Le combat contre l’industrie pornographique a gagné à travers ce texte", a estimé la présidente de la délégation aux droits des femmes, Annick Billon (centriste). La gauche s’est en revanche montrée "dubitative" quant au "caractère opérationnel" du dispositif, comme l’a souligné l’écologiste Thomas Dossus, doute partagé par la sénatrice LR Marie Mercier.
Une décision reportée…
Alors que le tribunal judiciaire de Paris devait rendre ce vendredi 7 juillet sa décision concernant le blocage de cinq de sites pornographiques trop facilement accessibles aux mineurs - Pornhub, xHamster, YouPorn, Xvideos et Xnxx -, le tribunal a différé sa décision dans l’attente de l’examen par le Conseil d’Etat des recours contre le décret d’application qui précise les moyens d’action de l’Arcom pour sanctionner les sites qui n’empêchent pas les mineurs d’accéder à des sites pornographiques. Il a été également reproché au gouvernement de ne pas avoir directement défini les contours techniques des mesures à mettre en œuvre pour vérifier l’âge des internautes, et d’avoir laissé cette tâche à l’Arcom. Les avocats des plateformes ont fait valoir que la loi française manquait de clarté sur les modalités techniques de la vérification de l'âge. Ils mettent aussi en cause la conformité des systèmes envisagés par le régulateur avec la réglementation sur les données personnelles.
Prenant acte de la décision du tribunal, l’Arcom a estimé qu’il y avait "consensus sur la nécessité d’agir rapidement pour protéger les mineurs", tout en rappelant qu’elle "continuera d’œuvrer au respect par les éditeurs de sites pour adultes de leurs obligations légales".
… Mais la pression reste maintenue
Le matin-même de la décision tant attendue, Jean-Noël Barrot, ministre chargé de la Transition numérique, avait déclaré sur RMC : "Je souhaite vivement que le tribunal judiciaire de Paris bloque, dans son verdict rendu aujourd’hui, les cinq sites pornos les plus importants en France qui ne vérifient pas l'âge de leurs internautes".
Réagissant dans l’après-midi à la décision du tribunal, le ministre a indiqué compter sur son projet de loi intitulé "sécuriser et réguler l’espace numérique" pour permettre à l’Arcom de se passer du juge : "Avec le projet de loi numérique, l'Arcom pourra ordonner, en quelques semaines seulement, le blocage des sites qui ne respectent pas la loi".
"Sans contrainte, l’industrie de la pornographie n’aura jamais intérêt à se conformer à la loi", a-t-il ajouté plus tard dans un communiqué.
Pour l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique (Open), association à l'origine de la saisine de l'Arcom fin 2020, ce report constitue "un déni de justice". "Les magistrats demandent au Conseil d’État d’examiner un décret dont la loi n’a pas besoin pour être appliquée", déplore Thomas Rohmer, fondateur de l’Open. "Désormais, la prochaine échéance est donc l’adoption de la future loi Barrot qui sera de nouveau contestée devant toutes les juridictions possibles par les éditeurs de sites pornos. On va perdre encore de très longs mois. On a vraiment un sentiment de lassitude et de fatigue face à cette procédure qui n’en finit pas."
Néanmoins, les associations de la protection de l’enfance ne baissent pas les bras. L'Open et le Cofrade (Conseil français des associations pour les droits de l'enfant) annoncent vouloir réactiver une plainte au pénal contre les sites pornographiques.