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Emmanuel Macron et le syncrétisme national

Emmanuel Macron au Mont-Saint-Michel le lundi 5 juin.

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Xavier Patier - publié le 07/06/23
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En visite au Mont-Saint-Michel, le président Emmanuel Macron a fait l’éloge de la France des bâtisseurs, dans laquelle il voit un "syncrétisme". L’écrivain Xavier Patier s’étonne que l’homme de la déconstruction ne prenne pas plutôt le temps d’écouter la France.

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Il faudrait être de mauvaise foi pour reprocher au chef de l’État d’avoir rendu visite au Mont-Saint-Michel pour commémorer les mille ans de son abbaye, et de mauvaise humeur pour dénigrer un discours dans lequel il a salué de son mieux, avec sa propre ardeur et des mots bien à lui, la vocation de bâtisseur qui est la vocation de la France. Hélas, ni la bonne foi, ni la bonne humeur ne peuvent m’empêcher de songer que cet encore jeune Président est devenu expert dans l’art de dire les choses de travers. 

Le temps des bâtisseurs

D’où vient cette malédiction ? Comment un homme aussi habile peut-il produire autant d’actes manqués ? Comment un homme aussi brillant peut-il à ce point rater ses discours ! Donnez-lui une idée forte, par exemple que la France est une construction millénaire au service de la liberté : il en fait un charabia de représentant de commerce clamé sur un ton de lycéen dans un cours de théâtre. Conduisez-le au Mont-Saint-Michel : il en parle comme une brochure d’office de tourisme. Il lance d’un ton solennel : "Son abbaye, symbole de ce que nous sommes : un peuple de bâtisseurs." On cherche en vain un verbe, mais peu importe. Je ne me plains pas d’entendre parler de bâtir par l’homme de la déconstruction. Mais je ne peux m’empêcher de me sentir perplexe. Si seulement cet infatigable orateur pouvait prendre le temps de se taire et d’écouter ! S’il pouvait prendre le temps de réfléchir, comme font les bâtisseurs. 

La France est une machine complexe et fragile, attelée au fil des siècles à une ambition qui porte son regard vers le ciel, et c’est pourquoi la silhouette du Mont-Saint-Michel, qui en est le résumé de pierre, lui est si familière.

À la tête de l’État nous avons un homme pressé qui n’aura laissé de sa présidence aucune trace architecturale, aucun projet ancré dans le sol, aucun bâti, aucune gare, aucun musée, aucun théâtre, pas même un abribus, et qui n’aura cessé de déconstruire notre histoire, nos institutions, notre société, et même nos bonheurs simples, comme un adolescent démonte le moteur d’une mobylette. Il veut voir comment ça marche et il met tout en panne. Mais le moteur, c’est nous ! À lui, le plaisir de déposer le carburateur. Au successeur, la tâche de remonter les morceaux. Et le Président parle, il parle inlassablement à un auditoire lassé qu’il semble ne même plus voir. 

Une névrose de confusion

La France est une machine complexe et fragile, attelée au fil des siècles à une ambition qui porte son regard vers le ciel, et c’est pourquoi la silhouette du Mont-Saint-Michel, qui en est le résumé de pierre, lui est si familière. La France n’est pas la France sans sa double vocation de liberté et de chrétienté. Traduit en langage macroniste, cela donne : "Ce lieu rappelle notre syncrétisme." Ici, la simplification vire au contresens. Le syncrétisme, c’est de la soupe offerte à un peuple qui réclame une salade de fruits : nous voulons l’unité, pas l’uniformité, et nous avons soif de fusion, pas de confusion. Le "en même temps", nous avons fini par comprendre qu’il exprime une névrose de confusion. Faut-il pour autant tout jeter dans ce discours, vivre en avares, dans la débauche de la parole comme Menius ou Nomentanus cités par le grand Horace ? J’avoue ne plus savoir. Offrons nous un mois sans discours.

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